A. LE DIBERDER (ARTE) : «On a besoin d’horizontaliser la grille pour créer des repères»

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Alain LE DIBERDER, Directeur des Programmes d’ARTE

La chaîne franco-allemande, dont l’audience est restée stable cette année à 2,3% de part d’audience, a présenté la semaine dernière ses programmes pour la saison à venir, lors de sa conférence de rentrée à l’auditorium du Grand Palais à Paris. Tour d’horizon des ambitions et nouveautés avec Alain LE DIBERDER, Directeur des Programmes d’ARTE.

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Sous quels auspices débutez-vous la rentrée 2017-2018 ?

ALAIN LE DIBERDER

Cette année, la vocation européenne d’ARTE s’inscrit dans un cadre beaucoup plus agréable et dégagé que la saison précédente. Nous avons vécu une période assez pessimiste entre le Brexit, l’élection de Trump et les inquiétudes sur la Grèce. A présent, l’idée européenne apparaît moins anxiogène. Sur nos émissions d’information et de reportages, en tant que militants européens, nous avons un horizon plus clair. Le deuxième axe se concentre sur l’offre importante fiction et cinéma. Jusqu’à 400 films par an sont proposés et le 7ème art représente quasiment le quart de notre audience. Sur le cinéma allemand, nous proposerons un cycle sur L’UFA, le grand studio germanique créé il y a 100 ans. En France, des cycles sur Clouzot et Belmondo seront programmés. Le tout sera mêlé au cinéma d’aujourd’hui car ARTE participe à la création des nouveaux films. On retrouvera également, à la frontière entre le cinéma et les séries, «Top of The Lake» de Jane Campion qui revient pour une 2ème saison en fin d’année.

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ARTE, dont les programmes représentent un budget de 146 M€, mise aussi sur des séries «qui ne rentrent pas dans les standards». Est-ce le cas ?

ALAIN LE DIBERDER

Du fait que nous n’essayons pas d’atteindre 10% de part d’audience, la chaîne a une vraie liberté. Notre mission est claire : l’Europe, la création et la découverte. Ces dénominateurs communs sont antinomiques avec la notion de formatage. C’est pourquoi nous nous laissons le champ libre sur les auteurs, les thèmes et les genres. De la comédie aux œuvres semi-historiques en passant par les thrillers, il y a de tout. Y compris les séries courtes comme «50 nuances de Grecs» ou «Amusez-vous, Amusez-moi», qui revisite dix tableaux en 30’’. Des formats qui, au-delà de la télévision, conviennent bien à une diffusion sur Internet.

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ARTE n’est pas une chaîne de flux. En revanche, la partie magazine semble avoir été renforcée…

ALAIN LE DIBERDER

Nous avons un point fort, l’Access Prime Time. «ARTE Journal» enregistre des scores 50% au-dessus de la moyenne de la chaîne. Le tout s’enchaîne avec «28 Minutes» et une série courte. De 19h45 à 21h00, il y a du flux. Dans cette logique, nous avons rajouté un magazine quotidien de découverte et de culture au cœur de l’après-midi : «Invitation au voyage». On a besoin d’horizontaliser la grille, c’est-à-dire de trouver des rendez-vous. Sachant que nous sommes une chaîne sur laquelle les soirées ne se ressemblent pas, il faut des points de repère.

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D’où le souhait de multiplier les séries-documentaires ?

ALAIN LE DIBERDER

Les séries-documentaires ont déjà une vie sur ARTE. L’idée n’est pas de créer des cases artificielles. Dans la journée, il y a une place pour les séries. En Prime, l’espace est dédié à la découverte.

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L’offre numérique d’ARTE a été revue en profondeur. Est-ce pour assurer l’hyperdistribution des contenus ?

ALAIN LE DIBERDER

ARTE est diffusée dans toute l’Europe, sur tous les types de supports. La liste des opérateurs et des appareils qui nous distribuent est infinie. On essaie d’être partout. Pour accompagner cette consommation, l’offre numérique a été refondue. Comme ARTE a commencé assez tôt dans le numérique, il y avait des choix techniques qui dataient de 2009. Nous avons donc décidé de tout reprendre, reconstruire la base de données, refaire l’interface et insérer de nouveaux tags. Nous avons mis en place un chatbot sur le site. Cet assistant virtuel permet de trouver les programmes de façon plus ludique, grâce à l’intelligence artificielle. Depuis peu, les internautes peuvent faire du rattrapage anticipé, c’est-à-dire visionner les contenus de la journée avant qu’ils ne soient diffusés sur le petit écran, dès 5 heures du matin. Sur arte.tv, certains contenus en replay sont disponibles jusqu’à un mois (documentaires et magazines). Certains peuvent aussi être appréciés sous la forme de playlists thématiques. Pour parachever le tout, nous avons changé aussi l’habillage de l’antenne (qui datait de 2011) et du numérique, avec une évolution du logo.

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Et côté audiences ?

ALAIN LE DIBERDER

Sur la saison 2016-2017, nous étions à notre plus haut niveau d’audience en France et en Allemagne. Même si nous ne sommes pas au niveau de TF1 ou de la ZDF, les scores d’ARTE ont augmenté de 35%, dans les deux territoires, depuis 2012. C’est assez exceptionnel dans un paysage en pleine fragmentation. Encore une fois, ce n’est pas notre obsession. On n’a pas de recettes publicitaires ni d’actionnaires cotés en bourse. Ce qui compte pour nous, ce sont les enquêtes qualitatives. L’an dernière, l’étude IFOP a montré que nous étions à égalité avec M6, la chaîne préférée. C’est un bon signe car ce n’était pas le cas avant.