A. SWEENEY (Netflix / ex-Disney-ABC): « La série est un art majeur »

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Anne SWEENEY, Membre du Conseil d’Administration de Netflix, ex-Présidente de Disney/ABC Television Group

Nommée à plusieurs reprises «Femme la plus puissante dans le divertissement» par «The Hollywood Reporter», Anne SWEENEY – qui a été longtemps Présidente de Disney/ABC Television Group – a intégré le cercle très fermé des «50 femmes les plus puissantes dans les affaires», selon le magazine «Fortune» et l’une des «100 femmes les plus puissantes du monde» par «Forbes». Présente dans le cadre du Festival de Télévision de Monte-Carlo en tant que Présidente du Jury Fiction, elle en a profité pour répondre à quelques-unes de nos questions. Entretien avec Anne SWEENEY, aujourd’hui membre du Conseil d’Administration de Netflix.

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Spécialiste de l’Entertainment, comment percevez-vous les grandes tendances en matière de fictions dans le monde ? 

ANNE SWEENEY

Les chaînes de télévision et les acteurs de la SVOD introduisent, dans la majeure partie de leurs nouvelles séries, une écriture à la fois très pointue, surprenante et un développement particulièrement soutenu de leurs personnages. Ce qui est marquant, c’est l’aspect quasiment cinématographique des grandes fictions. La série est un art majeur. Mais qu’est-ce que l’excellence ? Un format novateur, un scénario, une mise en scène et une cinématographie ? C’est une alchimie de tout cela.

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Cette ambition cinématographique autour des séries est-elle liée à la concurrence du marché ?

ANNE SWEENEY

Chaque année, il y a 1.500 nouvelles séries qui sont créées dont 500 aux États-Unis. La concurrence est rude mais les opportunités sont nombreuses. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais les scénaristes qui écrivaient pour le cinéma focalisent leur travail de plus en plus vers la télévision, et inversement. Le champ des possibles est ouvert. Le curseur artistique a été fortement poussé.

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Vous dirigiez Disney/ABC Television Group. Après votre départ, quelles séries devraient vous survivre ?

ANNE SWEENEY

Les principales productions de Shonda Rhimes qui est une scénariste d’exception. De «Grey’s Anatomy» à «Scandal». Ces productions, c’est un savoureux mélange de poigne, de passion et d’envie de raconter des personnages, de les mettre en difficulté et de les tester. Elle parvient à donner au public ce qu’il aime, sans pour autant lui livrer sur un plateau ce qu’il attend.

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Comment une femme comme vous a-t-elle réussi dans un milieu majoritairement masculin ?

ANNE SWEENEY

Je me suis dirigée vers ce qui m’intéressait. J’ai commencé à la programmation. Avant de rejoindre Fox, j’ai passé 12 ans à Nickelodeon/Nick at Nite, où j’ai occupé divers postes de direction. J’ai dirigé ensuite FX Networks, Inc. Durant mon mandat, j’ai présidé le lancement de deux réseaux câblés, FX et FXM. Comme beaucoup de personnes dans ce milieu, j’étais curieuse de Disney et je voulais savoir comment le groupe fonctionnait. J’ai eu l’opportunité d’y travailler. J’ai rejoint The Walt Disney Company en février 1996 comme Présidente de Disney Channel et Vice-présidente des opérations de Disney/ABC Cable Networks. D’octobre 2000 à avril 2004, je me suis occupée d’ABC Cable Networks Group et de Disney Channels Worldwide (époque à laquelle Disney Channel a plus que quintuplé sa base d’abonnés sous sa direction, ndlr).

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Nommée plusieurs fois «Femme la plus puissante dans le divertissement», comment l’avez-vous vécu ? 

ANNE SWEENEY

C’est le résultat d’un travail d’équipe qui a été récompensé, pas juste moi. J’espère que l’on va s’éloigner un jour de cette individualisation. Il faut reconnaître l’excellence d’un travail au niveau collectif.

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Fox est en vente et Disney s’est positionné comme le repreneur providentiel à l’instar de Comcast. Comment observez-vous la consolidation du secteur ?

ANNE SWEENEY

Des consolidations, il y en a eu beaucoup avec le câble il y a 10-15 ans quand j’ai commencé dans les affaires. Il avait des groupes talentueux, des fusions de sociétés et d’autres qui ont grandi organiquement. Dans tous les cas, c’est le consommateur qui a bénéficié de ces fusions.

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Avec l’introduction des GAFA, de Netflix et d’Amazon sur le marché de la production, ces sociétés sont-elles complémentaires ?

ANNE SWEENEY

Elles sont concurrentes et complémentaires. Concurrentes sur le plan du business. Complémentaires pour les producteurs qui détiennent des franchises. Ces derniers ont un choix multiple pour trouver la bonne distribution et le bon canal de diffusion. Pour cela, il faut saisir la spécificité de chaque société et voir comment ils vont utiliser «le produit».

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Êtes-vous toujours intéressée par la réalisation ?

ANNE SWEENEY

Oui en effet ! J’ai dit que c’était une passion et quelque chose que je voulais faire. Mais je suis davantage dans les affaires maintenant.

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Beaucoup disent que les plateformes de SVOD ringardisent les Networks traditionnels. Êtes-vous d’accord ?

ANNE SWEENEY

Non, je ne le crois pas. Les chaînes historiques sont loin d’être obsolètes ou ringardisées. Tous les acteurs des médias sont obligés de se définir très clairement vis-à-vis des créatifs. Les sociétés doivent être encore plus stratégiques concernant ceux qui produisent.

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Les enfants délaissent la télévision. Quelle solution pour les retenir ?

ANNE SWEENEY

Il n’y a rien à faire à ce sujet. A chaque génération, une nouvelle technologie est introduite. Cela nous oblige à suivre les jeunes pour voir où ils vont et ce qu’ils consomment. Ce que j’ai appris en regardant les mouvements de ce public, c’est qu’ils ne cherchent qu’une chose : de belles histoires.