Affaire Weinstein : la pression monte sur le procureur de Manhattan

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Bientôt six mois que l’affaire Weinstein a éclaté, et le producteur de cinéma, accusé d’abus sexuels par une centaine de femmes, n’a pas été inculpé: la pression monte sur le procureur de Manhattan, accusé de reculer devant une bataille judiciaire difficile. Pressé par le mouvement «Time’sUp», né dans le sillage du #MeToo pour aider les victimes de harcèlement ou d’agressions sexuelles au travail, le procureur de l’Etat de New York a annoncé lundi qu’il allait mener «un examen complet, juste et indépendant» des raisons pour lesquelles le procureur de Manhattan, Cyrus Vance, n’avait jusqu’ici pas inculpé le producteur multi-oscarisé.Depuis la publication le 5 octobre des 1ères révélations sur Harvey Weinstein, ce dernier a été déchu de toute fonction officielle. De nombreuses actions ont été intentées contre lui au civil qui pourraient le ruiner. Des enquêtes criminelles ont été lancées à New York, Los Angeles et Londres. Par ailleurs, le studio de cinéma qu’il avait fondé a déposé formellement son bilan lundi. Mais l’ancien faiseur de stars, 66 ans, qui n’a pas été vu en public depuis octobre, n’est sous le coup d’aucune inculpation, et suivrait un traitement pour les addictions sexuelles dans une clinique de l’Arizona. Face à ce qui ressemble à un blocage, Time’s Up, dont la requête a été relayée sur Twitter par des célébrités comme Ashley Judd, Reese Witherspoon ou Jessica Chastain, a réclamé une enquête pour vérifier l’«intégrité» du procureur new-yorkais. Time’s Up s’est dit aussi «troublé» par de récentes informations selon lesquelles le procureur Vance pourrait être influencé par Harvey Weinstein et ses avocats, dont l’un au moins a travaillé pour Cyrus Vance par le passé. Un porte-parole du procureur, Danny Frost, a néanmoins réfuté ces soupçons. «L’idée que notre bureau pourrait reculer à l’idée de poursuivre un homme puissant est démentie par notre travail au quotidien et nos précédents succès dans la défense des victimes d’agressions sexuelles», a-t-il déclaré. Frost s’est dit «confiant que tout examen confirmera que notre bureau a mené l’enquête sans crainte ni traitement de faveur, et sur ses seuls mérites». Il a aussi assuré que l’enquête sur Weinstein était «toujours en cours», mais n’a rien dit sur ses chances d’aboutir. Preuve qu’ils sont sur la sellette, le bureau du procureur et la police new-yorkaise ont aussi assuré travailler main dans la main dans cette histoire. Michael Weinstein (sans relation avec Harvey), avocat new-yorkais et ex-procureur fédéral, a indiqué être lui aussi «surpris que rien ne se soit encore passé» et estimé la question de Time’s Up «pertinente». Mais il a jugé «possible» que le procureur estime ne pas avoir de preuves suffisantes pour l’instant. D’autant que Cyrus Vance a en face de lui l’un des meilleurs avocats du barreau new-yorkais, Benjamin Brafman. Ce dernier a obtenu l’abandon des poursuites contre l’ex-directeur du FMI Dominique Strauss-Kahn dans l’affaire du Sofitel en 2011. Même si les procureurs locaux américains sont des élus, «le procureur n’est pas là pour satisfaire la vindicte populaire», explique l’avocat. «Il doit être indépendant et évaluer les preuves en rapport avec des articles de loi, et déclarer si un crime a été commis». Il pourrait y avoir d’autres raisons pour lesquelles le procureur ne bouge pas, explique cet avocat. Si un procureur fédéral ouvrait une enquête sur Weinstein, par exemple sur «les montants payés» pour faire taire certaines victimes présumées, «il pourrait demander au procureur (Vance) d’attendre», dit-il. En attendant une évolution de l’enquête, plusieurs avocats soulignent que même si Weinstein finissait par être inculpé, l’issue d’un éventuel procès serait très incertaine. De Dominique Strauss-Kahn à Michael Jackson, en passant par Roman Polanski, les condamnations dans ce genre d’affaires sont notoirement difficiles à obtenir.