AT&T : feu vert inconditionnel au rachat du géant des médias Time Warner

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Un juge américain a infligé mardi un revers à l’administration Trump en donnant son feu vert inconditionnel au rachat du géant des médias Time Warner par le groupe télécoms américain AT&T pour donner naissance à un mastodonte dans un secteur en plein bouleversement. La fusion à 85 milliards de dollars, annoncée fin 2016, devrait être effective le 20 juin au plus tard, selon AT&T qui remporte ainsi une nette victoire face au ministère de la Justice américain, qui s’opposait à ce mariage, au motif qu’il étoufferait la concurrence et ferait monter les prix pour les consommateurs. AT&T est le 1er câblo-opérateur américain et le 2ème opérateur mobile. Time Warner constitue, lui, un énorme groupe de médias, propriétaire notamment de la chaîne HBO, des studios de cinéma Warner ou encore de la chaîne d’informations CNN.Dans ses attendus de jugement de 170 pages à l’issue de près de 7 semaines de procès, le juge fédéral Richard Leon accorde une victoire totale aux entreprises, soulignant que le gouvernement n’a pas apporté la moindre preuve qu’une telle fusion puisse pénaliser les consommateurs.Et alors qu’il aurait pu assortir son aval de conditions, comme des cessions, le juge a finalement autorisé le mariage sans aucune condition. Il a aussi tenté de dissuader le gouvernement de faire appel, soulignant qu’un nouveau retard serait gravement dommageable aux deux entreprises, qui souhaitent fusionner pour mieux combattre les géants technologiques de la Silicon Valley. «Le gouvernement a tenté le coup et a perdu», a-t-il dit, en annonçant sa décision dans la salle d’audience à Washington, pleine à craquer. Quelques minutes après, l’avocat de AT&T, Daniel Petrocelli, a estimé que le ministère américain de la Justice n’avait pu apporter «la moindre preuve crédible» d’une potentielle menace pour les consommateurs. Il a regretté que ce recours ait fait perdre beaucoup de temps. Mais «nous sommes soulagés, tout cela est dernière nous», a-t-il déclaré à des journalistes. De son côté, David McAtee, le directeur juridique d’AT&T, a indiqué qu’il escomptait boucler la fusion d’ici le 20 juin, se disant «heureux» de la décision. Sans surprise, le ministère de la Justice s’est au contraire dit «déçu». «Nous pensons toujours que le marché de la télévision payante sera moins compétitif et moins innovant» avec cette fusion, selon Makan Delrahim, en charge des questions antitrust au ministère américain de la Justice, ajoutant qu’il allait «réfléchir aux prochaines étapes» dans ce dossier.Côté politique, le sénateur démocrate Dick Durbin, a estimé «être inquiet» car «cette concentration (…) n’est pas dans le meilleur intérêt des consommateurs» américains. Cette décision était d’autant plus observée qu’un blocage aurait représenté un important changement de cap dans la politique antitrust américaine car le dossier portait sur une fusion dite verticale, lorsque les deux entreprises ne sont pas des concurrentes directes, des mariages qui recevaient historiquement le feu vert des autorités. AT&T et Time Warner ont assuré que leur alliance était indispensable pour lutter contre les géants technologiques, comme Netflix et Amazon, qui produisent films, séries ou documentaires, ou encore Apple, Google et même Facebook, qui misent aussi de plus en plus dans la création de contenus. Cette décision était aussi scrutée notamment par d’autres groupes engagés dans de grosses fusions, comme Fox et Disney, qui ont annoncé un rapprochement en décembre et se préparent à un long examen par les autorités de la concurrence. Le feu vert de mardi pourrait aussi pousser le câblo-opérateur Comcast à lancer une contre-offre afin de racheter les actifs de Fox déjà promis à Disney. L’association de défenses des consommateurs dans le numérique Public Knowledge s’est dite «déçue» de cette décision, estimant que cette fusion, «néfaste», allait en faciliter d’autres du même genre.