B. PATINO (ARTE France) : «L’offre documentaire d’ARTE structure l’audience de la chaîne»

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Bruno PATINO, Directeur éditorial d’ARTE France

Le documentaire occupe une place primordiale dans l’identité d’ARTE et nourrit plus de la moitié de la grille de programmes de la chaîne. A l’approche du «Sunny Side of The Doc», le marché international du documentaire de La Rochelle, média+ s’est entretenu avec Bruno PATINO, Directeur éditorial d’ARTE France. Il revient sur la politique de la chaîne franco-allemande autour de ce genre protéiforme.

MEDIA +

Dans quelle mesure renouvelez-vous l’offre éditoriale d’ARTE en matière de documentaires ?

BRUNO PATINO

Notre intention n’a jamais été de modifier l’offre éditoriale des documentaires. En revanche, nous la faisons évoluer comme chaque année. Notre priorité est de ne surtout pas être dans la répétition. Nous avons aussi la volonté d’éviter un certain académisme. Le documentaire est le cœur de l’offre éditoriale d’ARTE. L’ensemble des chaînes de télévision qui existent en France fonctionne avec une unité de programmes en charge du documentaire. Chez nous, toutes les unités de programmes s’occupent du documentaire. Chacune déploie avec une cohérence globale, ses priorités, ses axes et ses formes. L’évolution de l’offre éditoriale des documentaires d’ARTE tend vers plus de grands récits. Ces derniers mettent en jeu plusieurs cultures et regards. Nos films sont produits de plus en plus souvent en collaboration avec d’autres très grands acteurs du documentaire à l’international, que ce soit la BBC, PBS ou d’autres chaînes mondiales. On ne s’associe pas uniquement avec eux sur des dispositifs de coproduction. L’idée de la coréalisation ou de la coécriture nous anime aussi. D’ailleurs, les écritures varient et évoluent par le biais des plateformes, des smartphones, des réseaux sociaux et de l’offre non linéaire des chaînes. Nous avons vu arriver par exemple le feuitonnage du documentaire. Tout cela influe sur ARTE. C’est une évolution qui est une réponse de plus en plus ambitieuse à un genre audiovisuel auquel nous tenons de plus en plus.

MEDIA +

En misant sur une écriture feuilletonnante, réinvestissez-vous les séries documentaires ?

BRUNO PATINO

Certains récits méritent en effet d’être déclinés en série. Ils deviennent une fresque à travers laquelle on prend du temps. C’est le cas de la série «Vietnam» (9X52’), un événement considérable pour ARTE. Il nous arrive aussi d’avoir des récits fouillés et déployés sous une forme unitaire de 52 ou 90’. Cela dépend de la matière initiale. ARTE France, c’est 260 heures de documentaires produits par an. L’autre moitié vient de nos confrères allemands. Cela vous donne l’ampleur de ce qui est produit. Il n’y a surtout pas de systématisme dans ce que nous voulons faire. Cela doit être toujours très protéiforme, très riche. Même si nous voyons émerger de grands récits, cela ne prend pas la place d’autre chose.

MEDIA +

Rappelez-nous le budget documentaire d’ARTE ?

BRUNO PATINO

Alors que le documentaire représente 55% de la grille soit 92 heures par semaine, nous disposons d’un budget de 91 M€ dont 45 M€ en provenance de la France.

MEDIA +

Depuis des années, on parle d’innovations dans le documentaire. Mais au regard de ce que vous proposez, vous semblez vous concentrer encore essentiellement sur des formats traditionnels ?

BRUNO PATINO

Non, je ne le crois pas. La richesse de cette chaîne nous permet d’offrir des formes très diverses à nos films. D’un côté, nous restons fidèles à une forme classique du documentaire. Mais à cela s’ajoutent des formes très disruptives. C’est le cas de ce que nous faisons en réalité virtuelle sur les réseaux sociaux. Sur le numérique, «ARTE trips» est une collection d’expériences de réalité virtuelle qui se propose d’abolir la limite physique du tableau pour permettre au spectateur une immersion totale dans un chef-d’œuvre de la peinture. Nous le faisons en parallèle avec une série documentaire sur l’antenne qui s’appelle «Le petit secret des grands tableaux» (20X26’). Tout cela se nourrit. Il n’y a pas d’un côté le numérique, champ d’expérimentation, et de l’autre, la télévision qui serait un champ de l’académisme. L’un nourrit l’autre et vice-versa. Avec le rendez-vous nocturne «La Lucarne», nous expérimentons sur l’antenne une forme ultra pointue de l’écriture documentaire.

MEDIA +

Votre politique de coproduction va-t-elle s’intensifier ?

BRUNO PATINO

Oui, nous croyons beaucoup à l’élaboration de dispositifs internationaux. Ce n’est pas seulement lié à une problématique de financement. Nous voulons une politique de collaboration dans la création, la production, la réalisation de séries documentaires. Il y a autant de coproductions qu’avant mais le travail s’effectue de plus en plus en amont. On veut s’insérer dans ce genre de dispositifs.

MEDIA +

Quels sont les documentaires les plus fédérateurs ?

BRUNO PATINO

Ce qu’ARTE propose le mardi touche le grand public. L’Histoire fonctionne très bien. L’Investigation aussi. Ce que nous appelons les aventures humaines, mélange d’histoires et de découvertes de grands récits de l’humanité, touche un pan du public. De toute façon, l’offre documentaire structure l’audience d’ARTE.