La BBC lance au Nigeria ses nouveaux portails internet en igbo et en yorouba

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La BBC lance cette semaine au Nigeria ses nouveaux portails internet en igbo et en yorouba, langues parlées par environ 70 millions de personnes, pour développer son offre d’actualités en langues locales. Exclusivement numériques, les nouveaux services de la British Broadcasting Corporation, 1er groupe audiovisuel public au monde, sont diffusés en ligne et sur les réseaux sociaux depuis lundi, tout comme la plateforme en «pidgin», le créole anglophone ouest-africain, lancée l’année dernière, suscitant beaucoup d’enthousiasme. Ces trois langues font partie des 12 nouveaux services créés à travers le monde grâce à une aide de 291 million de livres (327 millions d’euros) apportée par le gouvernement britannique. Peter Okwoche, responsable du contenu éditorial pour le lancement, a décrit le yorouba et le igbo comme «les 2 derniers maillons de la chaîne pour les nouveaux services en Afrique de l’Ouest», après le haoussa et le pidgin: une nouvelle offre dont la région a grandement besoin, selon lui. «A notre avis, le journalisme dans une langue locale a un impact encore plus grand que l’anglais», a-t-il déclaré. «Il est temps pour les gens d’essayer de raconter leurs propres histoires». Les jeunes Nigérians vivent de plus en plus connectés, avec des réseaux sociaux tels que Twitter ou Facebook immensément populaires et des abonnements mobiles multipliés par 5 en une décennie. Pays le plus peuplé d’Afrique avec 190 millions d’habitants, le Nigeria possède aussi une des démographies les plus jeunes du monde, avec près des deux tiers (62%) de la population âgée de moins de 24 ans. Selon M. Okwoche, c’est justement cette audience qui est ciblée par la BBC, avec les hommes et les femmes d’affaires, nombreux au sein des communautés igbo et yorouba, aussi bien dans le pays qu’à l’étranger. «Tout ce dont nous entendons parler à propos du Nigeria ces temps-ci, c’est Boko Haram dans le nord-est. Aussi grave que soit cette histoire, elle se passe dans une partie du pays seulement», explique-t-il. «Mais il y a tellement plus de choses qui se passent. Ici, à Lagos, par exemple, il y a des sujets (à faire) sur les technologies, le business et les jeunes entrepreneurs, la débrouillardise de la rue (…) Nous ne voyons jamais ça». Le lancement intervient à un moment où resurgissent de fortes tensions entre les 3 principales régions du Nigeria, notamment dans le sud-est igbophone et dans le nord majoritairement haoussa. Dans le sud-est, le Mouvement des peuples indigènes du Biafra (Ipob) a ravivé les aspirations séparatiste un demi-siècle après une déclaration d’indépendance unilatérale qui avait entrainé une terrible guerre civile (1967-1970). L’Ipob a notamment utilisé sa propre station de radio, Radio Biafra, pour diffuser les discours populistes et enfiévré de son leader, Nnamdi Kanu. Il est officiellement en détention, mais a disparu depuis son arrestation en septembre dernier. Il est particulièrement difficile d’exercer le métier de journaliste au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, où les rumeurs fleurissent, aussi bien dans la rue que sur les réseaux sociaux et où chaque communauté possède une très forte identité et un esprit régionaliste.Une difficulté renforcée pour les médias britanniques, l’ancienne puissance coloniale jusqu’en 1960. Et beaucoup, dans le sud-est, n’ont pas oublié que la Grand-Bretagne a apporté un important soutien à l’Etat fédéral pendant la guerre du Biafra. «Nous essayons d’être aussi objectif et impartial que possible», poursuit M. Okwoche. «On répète et répète encore que si un sujet est enjolivé, les gens le remarquent aussitôt et on y perd de notre crédibilité». Le directeur éditorial mise sur une équipe «jeune et dynamique, avec des expériences très variées». «Au cours des 5 derniers mois, ils ont suivi une formation très rigoureuse». La BBC a déjà fait de sa station en Haoussa, diffusée dans le nord du Nigeria et toute la région sahélienne, le média le plus populaire dans la région.