Canal+ : clap de fin pour le «Petit Journal» de Yann Barthès

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Le compte à rebours du «LPJ Exit» a pris fin ce jeudi : Yann Barthès a présenté son dernier «Petit Journal», émission impertinente qu’il a créée en 2004 et héritière de l’ancien «esprit Canal», qui continuera à la rentrée mais sans lui ni son producteur Bangumi. Poil-à-gratter des politiques dont il dévoilait impitoyablement les artifices de communication, révélateur de talents comiques comme le duo Catherine et Liliane, créateur de méthodes indiscrètes comme des perches tendues pour capter les apartés des meetings, le «Petit Journal» version Barthès aura marqué toute une génération de téléspectateurs, dont une partie ne s’informaient qu’à travers ses satires. Canal+, contrôlé depuis l’été dernier par Vincent Bolloré, a assuré que l’émission, devenue la plus regardée de la chaîne, continuerait à la rentrée mais dans une formule «rénovée». Selon la presse, Cyrille Eldin, intervieweur provoc des politiques pour le «Petit Journal», en deviendra le présentateur. Mais tout autant que la suppression des Guignols de la grille en clair, le départ de Yann Barthès, qui rejoint TF1, reflète la mutation de Canal+, où Vincent Bolloré veut privilégier le crypté, et ne croit ni à une vitrine en clair ni à l’«esprit Canal» des débuts de la chaîne. L’émission a démarré le 30 août 2004 sous forme d’une courte chronique en voix off de Yann Barthès, jeune recrue de Canal+ longtemps chargé de la revue de presse, à la demande de Laurent Bon, alors producteur éditorial du «Grand Journal» présenté par Michel Denisot. La mince silhouette du trentenaire n’apparaît à l’écran qu’à partir de 2007 : Yann Barthès présente son «Petit Journal» en plateau, déjà en veste et cravate, toujours au sein du «Grand Journal» avec «Le Petit Journal Actu» et «Le Petit Journal People». En 2011, «Le Petit Journal» devient une émission à part entière, produite par Bangumi, la société créé par Laurent Bon et Yann Barthès. En 2013-2014, il dépasse l’audience du «Grand Journal» et devient la vitrine en clair de la chaîne très relayée sur les réseaux sociaux. Il se spécialise dans le décryptage des discours politiques, révélant les éléments de langage de leaders comme Nicolas Sarkozy ou François Hollande. Son micro rouge devient la bête noire de certains militants, notamment ceux du FN, une de ses cibles favorites. Il a renouvelé les sketches d’humour sur l’actualité, révélant des talents comme «Catherine et Liliane», où Alex Lutz et Bruno Sanches jouent 2 commères qui commentent l’actualité, et «Eric et Quentin»  (Quentin Margot et Éric Metzger). Il revisite également le genre journalistique avec le jeune Martin Weill, qui apporte un ton nouveau au grand reportage.

Depuis une quinzaine de jours, Yann Barthès avait démarré un compte à rebours et rediffusait les meilleurs moments de l’émission. Dans un sketch, Catherine et Liliane avaient aussi plaisanté sur le climat de peur dans le groupe après l’éviction par Vincent Bolloré d’une vingtaine de dirigeants, tout comme Eric et Quentin. Mardi, il a reçu Michel Houellebecq qui a taquiné Yann Barthès sur Cyrille Eldin, son successeur pressenti au «Petit Journal», avec lequel l’écrivain avait dîné, en compagnie d’Emmanuel Macron. «Est-ce que c’est vrai qu’il va vous remplacer?» a-t-il lancé. Information ou divertissement ? Le mélange des genres du «Petit Journal» a souvent été critiqué, par des politiques, – à l’instar de Jean-Luc Mélenchon en 2012 qui avait dénoncé «l’info spectacle». Parmi les journalistes également, certains avaient reproché cette confusion possible. Une équipe de 40 personnes travaillait chaque jour sur «Le Petit Journal» dont 5 reporters. Mais son audience de 1,8 million de téléspectateurs par jour en 2013-2014, puis 1,6 million en 2014-2015, a chuté autour de 1,2-1,3 million cette année.