Canal+ : Vincent Bolloré lâche les rênes sa filiale de télévision payante

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L’industriel breton Vincent Bolloré lâche les rênes de Canal+, estimant que sa filiale de télévision payante a bien entamé son redressement, au moment où ses affaires en Italie subissent de multiples assauts. Le patron de Vivendi quitte le conseil de surveillance de sa filiale Canal+ et conforte les équipes en place, leur laissant le soin de poursuivre leurs efforts pour la sortir de ses difficultés en France. «Vincent Bolloré a considéré qu’on avait engagé les actions nécessaires, même si Canal+ n’est pas encore sorti de sa convalescence», a expliqué Maxime Saada, désormais chargé de la direction opérationnelle de l’ensemble des activités du groupe Canal+, en France, à l’international et dans le cinéma. L’homme d’affaires, qui s’était fortement impliqué dans le remaniement de Canal+ depuis 2014, prend ainsi du recul. Le dirigeant de Vivendi a aussi fort à faire en Italie où son projet d’alliance avec le groupe de médias Mediaset a viré à la bataille judiciaire avec la famille Berlusconi et son contrôle sur l’opérateur Telecom Italia (Tim) est menacé par le fonds activiste Elliott. Il est remplacé à la présidence du conseil de surveillance de Canal+ par Jean-Christophe Thiery, un proche qui a fait l’ensemble de sa carrière dans les médias du groupe Bolloré. Maxime Saada, chez Canal+ depuis 2004, quitte ses fonctions de directeur général pour devenir président du directoire de Canal+, en remplacement de Jean-Christophe Thiery. Vincent Bolloré était arrivé en juin 2014 à la tête du conseil de surveillance du géant des médias Vivendi, obtenant le contrôle du groupe après être devenu deux ans plus tôt son principal actionnaire à l’issue de la revente à Canal+ de ses chaînes de télévision D8 et D17. Il avait ensuite pris la présidence du conseil de surveillance de Canal+ en septembre 2015 afin de superviser le redressement des comptes de la filiale. Vincent Bolloré a remanié parfois brutalement les équipes de Canal+, et a remercié des figures historiques du groupe, comme Bertrand Méheut, pour placer certains de ses fidèles.Canal+ subissait alors une hémorragie d’abonnés face à la concurrence de BeIN Sports sur son offre sportive et l’arrivée de nouveaux concurrents sur le cinéma et les séries comme Netflix. Pour regagner du terrain, le groupe a remanié sa grille et refondu fin 2016 ses offres, mettant fin à son abonnement unique à 40 euros. Il a aussi conclu des accords de distribution avec les fournisseurs d’accès internet. Aujourd’hui, «il y a un clair renversement de tendance en France, avec une baisse du taux de résiliation», a souligné Maxime Saada. Dans le détail, les chiffres sont cependant contrastés. Le groupe progresse à l’international, notamment en Afrique, mais en France il peine toujours à mettre fin à la baisse des abonnés qui souscrivent directement aux offres Canal+. Sur 2017, Canal+ a annoncé un gain net de près de 600.000 abonnés dans le monde à 15,6 millions. Si en France, Canal+ affiche une progression de ses abonnés à 8,1 millions au total, les clients abonnés directement à Canal+ sont passés sous la barre des 5 millions, tandis que le groupe a gagné 3,1 millions d’abonnés via ses nouveaux accords avec les opérateurs Orange et Free, qui sont moins rentables. Canal+ fait valoir que les abonnements directs à Canal+ (hors bouquet Canalsat) ont augmenté de 150.000 l’an dernier.Mais, signe inquiétant, la stabilisation des abonnements directs (Canal+ et Canalsat) constatée au 3T ne s’est pas confirmée sur les 3 derniers mois de l’année. Ainsi, pour Jean-Baptiste Sergeant, analyste pour Mainfirst, «le redressement de Canal+ n’est pas avéré». «D’autant plus que Canal+ devrait souffrir à partir de cet été de la perte de l’exclusivité de la Ligue des Champions» de football, dont les droits ont été remportés par SFR (Altice), note-t-il. Le véritable test pour l’avenir de Canal+ sera sans doute l’appel d’offres pour les droits de la Ligue 1 de 2020 à 2024, dont la date n’a pas encore été annoncée. Le groupe doit sécuriser ces matchs, qui représentent son principal produit d’appel, mais la concurrence sera rude et les prix pourraient flamber.