CINÉMA/ Le miracle de Dunkerque: une histoire, deux films en lice pour l’Oscar du meilleur film dimanche

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Dunkerque, 1940: des centaines de milliers de soldats alliés sont encerclés par l’armée nazie qui semble alors invincible, envahissant un pays après l’autre. Sur la plage française se joue l’avenir de l’Europe. Les soldats coincés oscillent entre angoisse et résignation tandis qu’ils font la queue pour embarquer sur des navires pilonnés par l’armée allemande. A Londres, le sort de ces jeunes repose sur Winston Churchill tout juste nommé Premier ministre. Deux films se retrouvent en lice pour l’Oscar du meilleur film dimanche sur cet épisode capital mais relativement méconnu en France et pourtant crucial de la Seconde Guerre mondiale sur l’évacuation de quelque 330.000 soldats, majoritairement britanniques mais aussi français et canadiens, vers les côtes anglaises: l’opération Dynamo, qualifiée de «miracle» pour son succès inespéré. L’«opération a disparu des manuels scolaires français parce que l’esprit de Vichy plane encore sur ces événements», et le gouvernement français d’alors, collaborationniste, «a fait beaucoup de contre-information», affirme l’historien Patrick Oddone. «Dunkerque», de Christopher Nolan, raconte cette épopée depuis la ville du nord de la France, démontrant l’horreur, la vulnérabilité des soldats qui s’avancent dans l’eau pour tenter d’embarquer sur les navires anglais et se font décimer par l’aviation allemande. «Les heures sombres» conte la bataille politique menée par Churchill pour rallier la nation à la guerre contre Hitler. Le 1er a récolté 8 nominations aux Oscars et le second six, dont celle de meilleur acteur pour Gary Oldman en Churchill, le favori dimanche. Partiellement tournée dans la ville-titre, la fresque de Nolan, au budget monumental de 100 millions de dollars, est avant tout l’histoire d’une fuite. «Un film sur la survie», a dit Nolan pour qualifier ce long métrage où la menace désincarnée, l’Allemand, est invisible jusqu’à la dernière minute. Pour le réalisateur des «Heures sombres», Joe Wright, Churchill a souvent eu tout faux dans sa carrière comme sa vie privée, «mais là où il a vu juste, c’est en résistant à la vague du fascisme».Alors que les ferries, chalutiers, remorqueurs et autres gros navires britanniques offraient des cibles faciles aux avions allemands, le gouvernement britannique a réquisitionné des centaines de petites embarcations civiles. Sur les 848 bateaux, 235 ont été coulés par l’armée nazie, mais la quasi totalité des soldats britanniques ont pu être sauvés. «C’est une défaite militaire qui finit bien», résume l’écrivain britannique Michael Korda, cité dans la New York Review of Books. Churchill lui-même appela ses compatriotes à ne pas crier victoire: «les guerres ne se gagnent pas en évacuant». Avant de prononcer l’un de ses plus célèbres discours pour préparer le Royaume-Uni au combat: «nous nous battrons sur les plages, nous nous battrons sur les terrains de débarquement, nous nous battrons dans les champs et dans les rues, nous nous battrons dans les collines; nous ne nous rendrons jamais». Pour l’historien Max Hastings, le «miracle» a pu survenir parce que «l’armée allemande est à peine intervenue», ne disposant sur place que de son aviation. «Il n’y avait pas de bataille dans la ville ou le port donc la scène d’ouverture de Nolan est erronée». Un autre historien, Antony Beevor, est également critique. «La fin mai 1940 est le seul moment de la Seconde Guerre mondiale où les nazis auraient pu gagner directement», admet-il, mais selon lui, pour les besoins de la dramatisation, Nolan et Wright piétinent l’Histoire: «ils se sentent forcés de l’embellir». «Dans le cas de Dunkerque ce sont les navires de la Marine Royale qui ont évacué l’essentiel des troupes, pas les petits bateaux», assure-t-il. Dans «Les heures sombres», Antony Beevor juge aussi «ridicule» une scène totalement inventée où Churchill se rend à Westminster en métro.