Cinéma québécois: «La passion d’Augustine», une école religieuse avec la musique au coeur de l’éducation

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«La passion d’Augustine», un film de la réalisatrice et productrice québécoise Léa Pool, présenté en avant-première à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques), relate l’histoire au Québec dans les années 60 d’une école religieuse de filles où la mère supérieure place la musique au coeur de l’éducation. «Mère Augustine veut avoir des filles qui deviennent des femmes insoumises et s’élèvent par elles-mêmes, par le biais de la musique», explique lors de l’avant-première la comédienne québécoise Céline Bonnier qui incarne la mère supérieure à l’écran. «Dans le fond, c’est le vrai amour d’une mère idéale», ajoute-t-elle. Paradoxalement, dans ces années 60 où l’éducation religieuse est encore très rigide, les soeurs du couvent d’Augustine sont, pour la plupart, progressistes, libres et même avant-gardistes. A cette époque, les religieuses «étaient des bâtisseuses» et «elles ont apporté beaucoup de choses au niveau social et culturel», souligne Céline Bonnier. La plupart, ajoute-t-elle, avaient des convictions de gauche, très affirmées face au monde et à la pauvreté. Pour les femmes, le couvent était alors un véritable lieu d’émancipation où elles pouvaient étudier, et faire de la musique. Soeur Augustine est l’incarnation même de cette émancipation au sein de l’église. Lumineuse autant que sévère, elle consacre son énergie et son talent de musicienne à ses élèves. Tout respire la musique dans cette école qui rafle les grands prix de piano. Un flot de gammes, d’arpèges, de valses de Frédéric Chopin, de fugues de Johann-Sebastian Bach résonnent au coeur de l’hiver de glace et jusqu’à l’éclosion du printemps. En filigrane, le film raconte le dégel d’une société. La petite école que dirige Soeur Augustine n’échappe pas aux grands bouleversements  sociétaux, notamment la laïcisation de l’enseignement. Au milieu des années 1960, le gouvernement prend ainsi le contrôle de l’éducation et l’exode des élèves vers les écoles publiques devient alors irréversible.Les religieuses «ont très rapidement perdu leur place alors que pendant des siècles, elles avaient pris une grande part dans la société en la construisant», rappelle Céline Bonnier. L’avenir de Mère Augustine, de ses soeurs et de ses élèves, est menacé.

La réalisatrice, Léa Pool, a choisi délibérément pour les rôles principaux des musiciennes qui n’étaient pas comédiennes, en les recrutant dans des conservatoires. Céline Bonnier interprète, elle-même, quelques morceaux de piano. Le choix de filmer ces jeunes filles en train de jouer réellement du piano donne une toute autre dimension au film. L’oeil de la caméra glisse ainsi des visages aux mains, de manière très fluide. Autre spécificité du film: l’immersion dans un univers exclusivement féminin. Pas moins de 40 rôles sont tenus par des femmes. On retient tout particulièrement le jeu de Lysandre Ménard, Alice dans le film, nièce de soeur Augustine. Jeune prodige du piano mais élève turbulente, Alice crève l’écran avec une extrême sensibilité musicale. «Alice va apprendre chez sa tante Augustine l’amour du travail et de la rigueur et la conscience qu’il faut cette rigueur-là pour arriver à s’élever par la musique», s’enthousiasme Céline Bonnier. «Nous avons effectué une sorte de travail de réhabilitation de ces religieuses. Au Québec, c’est la 1ère fois qu’on aborde ce sujet de manière non caricaturale. Il y a beaucoup d’amour, de tendresse et de tranquillité aussi» dans ce film, conclut l’actrice. «La passion d’Augustine», sorti au Québec en mars 2015, sort dans les salles françaises le 30 mars. Le film a reçu de nombreux prix dont le Prix du Public au Festival du Film Francophone d’Angoulême 2015.