En conflit avec le gouvernement, le Conseil national du numérique (CNNum)se saborde

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La quasi totalité des membres du Conseil national du numérique (CNNum) ont démissionné mardi en protestation contre le gouvernement qui contestait la composition d’une instance relancée il y a à peine une semaine. La toute nouvelle présidente, Marie Ekeland, a la première annoncé son départ, suivie de 25 autres membres du Conseil, après la polémique suscitée par la présence de l’essayiste Rokhaya Diallo et du rappeur Axiom en son sein. «Le projet que j’ai porté, d’ouverture, d’indépendance de pensée et de diversité, a été mis à l’épreuve dès le démarrage. Je ne vois pas aujourd’hui comment continuer à le porter en maintenant son essence et de bonnes chances de réussite», a expliqué Mme Ekeland, sept jours après sa prise de fonctions. Elle regrette notamment la décision du gouvernement de retirer Mme Diallo et Axiom du CNNum, un signe selon elle de l’absence de l’indépendance promise à cet organisme. Elle s’est par ailleurs dite «choquée par les caricatures auxquelles Rokhaya Diallo et Axiom ont été réduits». Dans la foulée, la plupart des membres du CNNum, sauf quatre, ont annoncé avoir quitté l’instance. Invitée de Cnews, Rokhaya Diallo a expliqué avoir «accepté de participer (au CNNum, NDLR) en témoignage de mon engagement citoyen. En tant que citoyenne française, je suis extrêmement exigeante envers la République mais je veux également participer à une réflexion commune qui permettrait d’améliorer ce que je dénonce». Tout avait pourtant bien commencé: après des mois au ralenti dans la foulée du départ de son ex-président, Mounir Mahjoubi, parti rejoindre la campagne d’Emmanuel Macron, le CNNum devait être relancé sur de nouvelles bases, se voyant confier une mission de conseil auprès du gouvernement «pour les questions relevant de son champ de compétences». «Nous avons souhaité confirmer son indépendance, ses moyens, son mode de fonctionnement et la volonté du gouvernement d’en faire l’objet qui oriente et qui est LA voix sur les transformations numériques», avait expliqué le 11 décembre M. Mahjoubi, actuel secrétaire d’Etat au Numérique. Mme Ekeland expliquait de son côté vouloir «poser la question de savoir quel monde nous voulons construire. Le fait de réussir une transformation numérique n’a pas de sens en soi». Elle justifiait ainsi l’ouverture à des personnalités extérieures. Symbole de cette ouverture, Mme Ekeland avait alors cité le nom de Mme Diallo, sans susciter de réaction de la part du secrétaire d’Etat. Mais dans une partie de la classe politique et sur les réseaux sociaux, la présence de Rokhaya Diallo, connue pour ses dénonciations d’un «racisme d’Etat», est mal passée. Sur Twitter, la députée Les Républicains Valérie Boyer a ainsi interpellé le gouvernement, voyant «plusieurs contradictions» dans la présence de Mme Diallo et Axiom au CNNum. «Les réactions qui ont suivi cette nomination me font mesurer à quel point mon pari était osé et innovant. A quel point, dans notre pays, nous ne voulons pas entendre des voix dissonantes», a regretté Marie Ekeland mardi. M. Mahjoubi a estimé pour sa part dans le Figaro qu’«après cette nomination, tout le monde a oublié le CNNum et ce qu’il était censé faire», rappelant au passage que le Conseil «doit être proche du gouvernement pour nous orienter, ce n’est pas une force d’opposition. C’est cet équilibre subtil qui a été cassé». Le CNNum se retrouve donc de nouveau à l’arrêt mais sa nouvelle composition sera annoncée début 2018, a assuré le secrétaire d’Etat. «Il faut que ce conseil national du numérique puisse débattre sereinement, les conditions d’un débat serein n’étaient pas réunies, donc ce sera un nouveau conseil qui se réunira et qui travaillera de manière sereine et apaisée», a commenté pour sa part mardi soir le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, au micro de RFI/France 24.