Le Conseil constitutionnel étudie les temps d’antenne des clips de campagne

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Les nouveaux rapports de force politiques issus de la présidentielle doivent-ils être pris en compte durant la campagne législative? Le Conseil constitutionnel s’est penché mardi en urgence sur une demande du mouvement En Marche! de plus d’équité dans les temps d’antenne audiovisuels, aujourd’hui favorables aux partis déjà représentés à l’Assemblée. La demande concerne la diffusion des clips de campagne sur les chaînes du service public, une diffusion qui a débuté lundi et doit s’étaler jusqu’au 9 juin, avant-veille du scrutin du 1er tour des législatives. La République en marche (REM) s’est vu attribuer par le Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA) un temps d’antenne de 7’ au 1er tour et 5’ au 2nd tour pour diffuser ses clips. Une durée qu’elle juge trop faible au regard des 2h00 et 1h44 dont bénéficient respectivement le PS et Les Républicains. Pour la REM, cette différence de traitement représente une atteinte grave et immédiate à plusieurs libertés fondamentales dont «l’égalité devant le suffrage et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation» garanties par la Constitution. Le mouvement a demandé en conséquence au Conseil d’État, via la procédure d’urgence du référé-liberté, d’enjoindre le CSA de lui accorder plus de temps d’antenne et soulevé une question prioritaire de Constitutionnalité (QPC) que la plus haute juridiction administrative a transmise au Conseil Constitutionnel. A l’audience, le représentant du gouvernement Xavier Pottier s’en est remis à la sagesse du Conseil après avoir reconnu que le texte attaqué pouvait poser problème pour l’organisation «d’un débat équilibrée» lorsque «le président nouvellement élu est issu d’un parti qui ne se rattache ni à la majorité ni à l’opposition de l’Assemblée nationale sortante». Le Conseil rendra sa décision mercredi. Les dispositions du CSA sur les clips de campagne se fondent sur l’article L.167-1 du code électoral qui régit la répartition des temps d’antenne entre les partis et groupements politiques pour les législatives. Il donne une prime aux partis installés qui bénéficient déjà d’un groupe politique à l’Assemblée, au détriment des autres. Ainsi, les 1ers se partagent 3 heures d’antenne au 1er tour, puis 1h30 au 2ème en fonction de leur importance à l’Assemblée, les 2ds devant se contenter chacun forfaitairement de 7’ au 1er tour et 5’ au 2nd. C’est donc aussi le temps d’antenne accordé au FN de Marine Le Pen et à la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Après avoir rappelé que la loi incriminée datait de 1966, «une époque où il y avait encore 2 chaînes en noir et blanc», l’avocat de La République en marche, Me Emmanuel Piwnica, a appelé les sages «à prendre en compte la situation du pays réel: la dernière élection nationale, les sondages, et pas une photographie vieille d’il y a 5 ans». Si dans le passé cette répartition n’a pas posé de problèmes en raison de l’alternance au pouvoir des 2 principaux partis de gauche et de droite, elle peut sembler aujourd’hui décalée après le bouleversement des rapports de force politiques lors de la dernière présidentielle. L’avocat de la REM fait valoir le caractère «totalement inédit» de la situation, «où ce ne sont pas les partis qui étaient représentés à l’AN qui se sont retrouvés à la présidentielle». Emmanuel Macron et Marine Le Pen pour le FN, qui ne dispose pas de groupe à l’Assemblée, sont en effet arrivés en tête au 1er tour de la présidentielle avec 24,01% et 21,30% des voix, loin devant le socialiste Benoît Hamon qui n’a recueilli que 6,36% des suffrages. Et les sondages sur le 1er tour des législatives semblent confirmer l’avance du mouvement du président de la République sur ses concurrents. «L’objectif de cette loi était un bon objectif, raisonnable, mais les moyens ne sont plus justifiés aujourd’hui. On ne peut plus accorder aux partis qui ont des groupes à l’AN une prime aussi considérable, une rente, un bénéfice indu», a plaidé l’avocat de la REM.