Droits d’auteur: les hostilités sont ouvertes entre Canal+ et les sociétés de collecte

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Les hostilités sont ouvertes entre Canal+, qui ne verse plus de droits d’auteur depuis fin 2016 et accuse de mauvaise gestion les sociétés de  perception, et ces dernières, qui ont assigné la chaîne en justice  la semaine dernière et dénoncent ses méthodes brutales. Le groupe Canal+, en difficulté en France où il a perdu des abonnés, a lancé un plan d’économies qui prévoit une renégociation systématique de ses contrats, avec l’objectif d’économiser 350 millions à horizon 2018. Une trentaine de contrats lient les chaînes du groupe (Canal+, CNews, C8, CStar, Canalsat) aux sociétés de gestion de droits d’auteur Sacem (auteur, compositeurs, éditeurs de musique), Scam (auteurs multimédia), SACD (auteurs et compositeurs dramatiques) et ADAGP (arts graphiques et plastiques). «Nous avons reçu un appel du représentant de Vincent Bolloré (patron de Vivendi, propriétaire de Canal+, ndlr), Michel Sibony, fin 2016, expliquant que la chaîne allait mal et qu’il faudrait se rencontrer pour revoir nos conventions. Il mettait également en avant les nouvelle offres de Canal pour obtenir un rabais entre -60 et -80% sur ces contrats», raconte l’une de ces sociétés. «Se retranchant derrière les éventuels problèmes de trésorerie de Canal+, le groupe a décidé de suspendre l’intégralité du paiement des droits d’auteur afférant à toutes ses chaînes et tous ses modes de distribution pour l’ensemble des créateurs français», dit-elle. Après plusieurs mois de négociations infructueuses, les sociétés d’auteurs ont assigné mercredi dernier la chaîne Canal+ devant le TGI de Nanterre. L’assignation des autres chaînes du groupe devrait suivre. Au total, 50.000 sociétaires ont été privés de 50 millions d’euros, selon les sociétés d’auteur. Les contrats prévoient le versement trimestriel d’une somme forfaitaire, calculée en fonction du c.a. du diffuseur. Les sociétés d’auteurs répartissent ces droits aux créateurs dont les oeuvres ont été diffusées. Plusieurs organismes professionnels représentant les cinéastes, les scénaristes, les compositeurs, les journalistes, les doubleurs… se sont élevés contre cette «remise en cause brutale et unilatérale». «On est tous conscients qu’il y a une mutation du secteur, on ne veut pas ruiner la chaîne, mais cette méthode est brutale, d’autant que nous sommes déjà une profession qui se précarise», dit Romain Protat, scénariste, ajoutant que les droits, liés au c.a., ont baissé ces dernières années. «Ça fait beaucoup de dégâts dans la profession, on est en train de perdre notre unique revenu», déclare le compositeur Olivier Delevingne. Il dénonce «des pratiques dignes de la grande distribution» et la perte possible, pour certains, de leurs droits à l’assurance maladie et à la retraite pour cette année. Interpellée, la ministre de la Culture Françoise Nyssen a reçu mercredi dernier les dirigeants du groupe et appelé à «une conclusion rapide des discussions». Le ministère souligne qu’«aucune stratégie de réduction des coûts, fût-elle justifiée par la volonté d’améliorer la situation financière, ne saurait exonérer une entreprise des obligations qui découlent de ses contrats avec les sociétés d’auteurs». Canal+ n’a pas fait le choix de l’apaisement et a contre-attaqué jeudi soir dernier en «s’interrogeant sur l’opportunité de diligenter des audits précis et exhaustifs sur ces organismes de collecte, pour s’assurer que les auteurs récupèrent bien l’intégralité des sommes qui leur sont dues». Le groupe assure que son «soutien aux auteurs ne saurait être contesté». Se revendiquant comme «le 1er financeur de la création en France», il affirme que, pour «offrir à ses clients des contenus de qualité au meilleur prix», il a été «amené à mettre fin à un certain nombre d’abus qui grevaient son équilibre financier». Il dit toutefois «espérer trouver un accord avec les sociétés de collecte» et assure qu’il «paiera les ayants droit sur la base des oeuvres de leur répertoire qu’il diffuse».