Droits TV/ foot: coup dur venu d’Italie pour Mediapro

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Le groupe audiovisuel espagnol Mediapro a perdu l’une de ses principales conquêtes, les droits de diffusion du championnat italien, un coup dur pour les ambitions de ce géant du secteur détenu depuis peu par un fonds chinois. Après une ultime tentative rejetée mardi par la Ligue italienne de football, Mediapro a définitivement perdu les droits de la Serie A pour la période 2018-2021, qu’il avait remportés en février pour 1 milliard d’euros. Alors que le groupe Sky, l’un des diffuseurs actuels du football italien, accusait Mediapro devant la justice de n’avoir pas respecté les règles de la concurrence, la justice a finalement suspendu le contrat tandis que la Ligue italienne l’a purement et simplement annulé, en estimant que Mediapro n’apportait pas les garanties suffisantes. Ce revers intervient peu de temps après le très beau coup réussi par le groupe hispano-chinois, qui a raflé fin mai la majeure partie des droits de diffusion de la Ligue 1 française pour la période 2020-2024, après des enchères d’un montant total de 1,15 milliard d’euros. Mediapro avait ainsi mis la main sur les meilleures affiches du championnat français, au nez et à la barbe de Canal+ qui les retransmettait depuis 1984. Pour les retransmettre, la filiale française du groupe espagnol compte proposer une nouvelle chaîne, avec «une programmation ininterrompue 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24». Avec 6.600 employés et un c.a. de 1,6 milliard d’euros en 2017, Mediapro est l’un des poids lourds en matière de contenus sportifs en Europe. Il détient une grande partie des droits de la Liga espagnole ainsi que les droits de diffusion des principaux championnats internationaux en Espagne. Il est aussi présent dans le basket (Euroleague) ou la Formule 1. Entre 2006 et 2013, une 1ère «guerre du foot» avait opposé en Espagne Mediapro et Canal+ via la société Sogecable, détentrice du bouquet payant du groupe français qui dominait historiquement le marché de la retransmission du championnat espagnol. Mediapro s’était mis à négocier en direct avec les clubs le droit de diffuser leurs matches, déclenchant une guerre de tranchées juridique et commerciale avec son concurrent à l’issue de laquelle il avait finalement pris le dessus. Mais la société basée à Barcelone ne se limite pas au sport: elle produit aussi des films, dont certains de Woody Allen, des documentaires et des séries tv. Son fondateur, Jaume Roures est l’une des figures les plus influentes de l’audiovisuel espagnol. Son offensive sur les droits du foot français doit se comprendre dans le contexte de l’entrée au capital en février du fonds chinois Orient Hontai Capital, devenu actionnaire majoritaire de Mediapro avec 53,5%, souligne Carlos Canto, professeur d’économie du sport à l’école de commerce ESADE de Barcelone. «L’intérêt pour le football français et la Ligue 1 est croissant», notamment en Chine, «grâce aux équipes comme le PSG, l’Olympique lyonnais ou l’Olympique de Marseille, et évidemment à l’arrivée de grands joueurs comme Neymar», l’attaquant brésilien transféré à Paris l’an dernier pour 222 millions d’euros, explique-t-il. Signe de l’intérêt du marché asiatique pour le football français, un match PSG-Nice a été programmé un dimanche à 13h00 en mars, horaire inhabituel en France mais de grande écoute en Chine. Et l’opération de Mediapro s’inscrit dans une tendance lourde d’arrivée d’investisseurs chinois dans l’univers du football et dans le secteur des médias. Pékin a désigné en 2014 le sport, et en particulier le football, comme domaine prioritaire pour accroître le rayonnement mondial de la Chine. Des investisseurs chinois ont depuis racheté l’AC Milan de Silvio Berlusconi, pris le contrôle de l’OGC Nice ou une part de Manchester City. «Mais depuis 2017, ils ont mis un frein à ces investissements, qui ont provoqué des fuites de capitaux et n’ont pas toujours généré le retour sur investissement prévu», explique l’économiste Ivana Casaburi, spécialiste des investissements chinois en Europe.