Les équipes de e-sport cherchent encore leur modèle économique

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Fnatic, Cloud9, Vitality, Team Liquid…: les équipes de compétition de jeux vidéo, ou «e-sport», possèdent aujourd’hui une communauté sur les réseaux sociaux équivalente à des clubs de football comme l’Olympique lyonnais ou l’AS Saint-Etienne, mais cherchent encore leur modèle économique. Car si les sports collectifs peuvent souvent compter sur les revenus de leurs stades et la vente de produits dérivés en plus des droits de retransmission ou du sponsoring, les équipes d’e-sport doivent, elles, se reposer principalement sur des partenariats pour survivre, sur un modèle plus proche du cyclisme professionnel. «Une part des gains en compétition revient à la structure et nous vendons un peu de produits dérivés, mais le sponsoring reste notre principale ressource», confirme Mickaël Piantchenko, vice-président de l’équipe philippine Mineski, l’une des principales d’Asie du Sud-Est, lors du salon spécialisé eSports Bar de Cannes. Ce sponsoring reste toutefois fragile, avec des contrats qui ne durent que quelques mois, voire le temps d’une compétition, quand ils couvrent plusieurs années dans le sport traditionnel. «Je comparerais ça un peu à la boxe, vous n’avez pas de championnat e-sport unifié, il y a différents types de compétitions et on a du coup du mal à «lire» l’ensemble quand on ne connaît pas bien», explique Vincent Chaudel, spécialiste du sport au sein du cabinet Wavestone. Facteur aggravant, les e-sportifs ont tendance à signer des contrats courts avec les équipes, le temps d’une compétition ou sur une année maximum, ce qui contribue à l’envol des coûts salariaux. «Le système ouvert actuel contribue à l’inflation des salaires et un e-sportif a tout intérêt à ne pas signer de contrat sur plus d’un an, il sait qu’il pourra le renégocier à la hausse l’année suivante», détaille ainsi Xavier Oswald, directeur marketing et stratégie au sein de l’équipe Vitality.Pour les équipes, la dépense devient conséquente, à l’image de Mineski, qui compte 7 équipes et qui dépense «rien que pour notre équipe sur Dota 2 (l’un des principaux jeux e-sport, NDLR), environ 500.000 dollars de budget sur un an, entre nos cinq joueurs, l’entraîneur, le manager et l’analyste». Car les équipes ont désormais une organisation proche des clubs sportifs professionnels avec, au-delà des sportifs sous contrat, des entraîneurs, analystes, directeurs sportifs et même des kinés. Mais le modèle évolue, selon Laurent Michaud, directeur d’études pour le centre de réflexion Idate: «le modèle de la franchise, plus pérenne, pourrait s’imposer. Il permet la création d’un écosystème extrêmement rentable».Inspirées par les sports américains, ces franchises, ou systèmes de licence, donnent le droit à participer à une compétition fermée au sein d’une ligue, comme celle de la NBA pour le basket. Cela permet aux équipes de ne pas perdre leur place dans la compétition, leur donnant une plus grande stabilité qui rassure les sponsors. Le système de franchise a été adopté par l’éditeur Riot Games et son jeu «League of Legends» (LoL), référence du e-sport: il a créé une ligue fermée en Amérique du Nord et en Asie, avec un ticket d’entrée situé entre 10 millions et 13 millions de dollars pour chacune des 10 équipes retenues. «Grâce à ça, les «teams» américaines ont pu lever entre 20 et 35 millions de dollars (auprès d’investisseurs NDLR), ce qui a fait exploser les salaires des joueurs sur LoL, et les équipes européennes n’ont pas pu s’aligner sur les salaires proposés à certaines stars», déplore Xavier Oswald, dont l’équipe Vitality est actuellement en tête du tournoi européen de LoL, qui pourrait à son tour prochainement être transformé en ligue fermée. «Les éditeurs (de jeux) ont intérêt à organiser les compétitions et franchiser des équipes afin qu’elles puissent organiser leur marketing. Mais il va falloir encore un peu de temps pour passer d’un modèle d’équipe à celui des franchises. On devrait avoir une cohabitation de l’un et de l’autre, selon les compétitions», nuance cependant Vincent Chaudel.