Ettore Scola : Maître de la comédie à l’italienne

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Le réalisateur Ettore Scola, décédé mardi à 84 ans, est entré au panthéon du cinéma italien grâce à des films inoubliables comme «Une journée particulière», chef-d’oeuvre sublimé par le jeu des monstres sacrés Sophia Loren et Marcello Mastroianni. Maître de la comédie à l’italienne avec Dino Risi ou Mario Monicelli, Ettore Scola laisse une oeuvre foisonnante et composite explorant par différentes voies stylistiques les relations entre histoire et individu. Né le 10 mai 1931 à Trevico près de Naples, il grandit à Rome. Ettore Scola s’est fait à travers une abondante filmographie le chroniqueur minutieux, passionné et ironique de la société italienne, des années sombres du fascisme à la crise d’identité des premières années du 21e siècle. Homme de gauche convaincu, proche du parti communiste d’Enrico Berlinguer et plus récemment du Parti démocrate, le cinéaste a aussi exploré avec brio l’histoire révolutionnaire de la France («La nuit de Varennes», 1982). Il était un des cinéastes italiens les plus liés à la France dont il a fait jouer de nombreux acteurs (Jean-Louis Trintignant, Serge Reggiani, Fanny Ardant, etc). Une quinzaine de ses films ont été des co-productions franco-italiennes. Ettore Scola s’est imposé comme une grande pointure du cinéma de la Péninsule avec «Nous nous sommes tant aimés» (1974), récit doux-amer du destin de trois anciens partisans antifascistes, amoureux de la même femme et confrontés aux déceptions et aux compromissions de l’Italie du «miracle économique». En 1977, l’idylle émouvante et improbable, le jour de la visite de Hitler à Rome, qui se noue entre Marcello Mastroiani, intellectuel homosexuel, et Sophia Loren, épouse brimée d’un militant fasciste dans «Une journée particulière», lui apporte une notoriété mondiale et une pluie de récompenses, dont un César du meilleur film étranger. Un précédent film de Scola, «Drame de la jalousie» (1970) avait déjà valu à Marcello Mastroiani de remporter la palme du meilleur acteur au festival de Cannes. Dès 16 ans, Ettore Scola avait collaboré à une revue satirique en vue, «Marc Aurelio», d’abord comme dessinateur, puis comme journaliste brossant des petits «tableaux» de la vie italienne. A partir de 1950, il travaille pour le cinéma, écrivant une longue liste de scénarios dont ceux de «La marche sur Rome» (1962) ou «Les Monstres» (1963) de Dino Risi. Ettore Scola passe à la mise en scène en 1964, développant les thèmes qui lui sont chers: l’amitié, de «Nous nous sommes tant aimés» à «Maccheroni» (1984), la famille, sordide («Affreux, sales et méchants», 1976, Palme d’or à Cannes) ou bourgeoise («La Famille», 1987), l’ambition sociale («La Terrasse», 1980), en prenant souvent pour cadre Rome, sa ville d’adoption. La Ville Eternelle sera même le personnage principal de «Gente di Roma», son avant-dernier film tourné en 2003, balade sans but apparent à bord d’un autobus qui fait découvrir des aspects peu connus de la mentalité du petit peuple italien d’aujourd’hui. Scola a exploré le film d’aventure avec «Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique?» (1968), un des plus longs titres de films, pour dénoncer le thème du colonialisme. Mais il choisit souvent les espaces clos, terrasse romaine (La Terrasse), salle de bal (Le Bal), intérieur d’une diligence (La nuit de Varennes). «Cela me permet d’être au plus près de mes personnages et de ce qu’ils pensent», expliquait-il. Son dernier film, un documentaire sur un autre grand maître du cinéma italien, Federico Fellini, sort en 2013.