Euronews : le malaise s’est installé dans la rédaction

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Il y a un an, Euronews, affichant de grandes ambitions, inaugurait avec faste son nouveau siège. Depuis, le malaise s’est installé dans la rédaction alors que la chaîne d’informations paneuropéenne aborde des échéances cruciales, avec d’importantes conséquences sociales à la clef. Mardi et mercredi, les salariés sont invités à se prononcer par vote électronique sur une motion de défiance à l’encontre de leur direction. Cette initiative, non soutenue par les principaux syndicats de l’entreprise, avait été décidée fin novembre à main levée par une AG réunissant une cinquantaine de personnes. Le groupe Euronews emploie 389 salariés en CDI, mais ses effectifs atteignent le millier en comptant intérimaires et pigistes. Aucun des 5 syndicats représentés n’a voulu prendre en charge l’organisation du scrutin, même si le plus récent d’entre eux, Force ouvrière, se montre ouvert aux thèses des protestataires. En conséquence, le corps électoral n’a pas été précisément défini. «Il sur-représente ceux qui ne travaillent pas en CDI. C’est une mobilisation de précaires», note une source syndicale. Une manifestation de défiance de la rédaction serait du plus mauvais effet alors qu’Euronews, qui est déficitaire depuis plusieurs années, négocie l’entrée à son capital de la chaîne américaine NBC (groupe Comcast), appelée à devenir opérateur industriel. Annoncé à la mi-novembre, le rapprochement doit être bouclé d’ici la fin de l’année. Un conseil de surveillance est prévu le 16 décembre pour faire le point sur l’avancement des négociations. Dans le même temps, Euronews doit gérer un dossier social délicat, avec la suppression programmée de 35 postes, et renégocier la reconduction de l’importante subvention de l’UE. La chaîne, qui a engagé de gros investissements pour se doter d’un siège flambant neuf à Lyon et lancer une déclinaison africaine, veut se poser en véritable concurrent de CNN et de BBC News. Pour ce faire, elle veut devenir plus réactive et faire plus de plateaux, alors que jusqu’à récemment, les journalistes n’apparaissaient pas à l’écran. Euronews abandonnerait partiellement son traditionnel multiplexage qui conduit toutes les éditions nationales de la chaîne à diffuser les mêmes sujets, simplement traduits dans la langue locale. Le président du directoire, Michael Peters, veut donc que les journalistes puissent à l’avenir monter leurs propres sujets, comme c’est la règle chez la concurrence. Changement délicat puisqu’il implique la signature d’un nouveau contrat de travail pour chacun des journalistes de la chaîne. Le service en ukrainien, abandonné par son partenaire local, est d’ores et déjà condamné. 

La direction propose des reclassements mais tout le monde ne pourra pas être recasé. Quant aux programmes en persan et en arabe, ils ne seront plus diffusés que sur internet, ce qui implique là encore des réductions d’effectifs. Mais «on a fait des avancées énormes sur tous les fronts, tant pour les personnes qui restent que celles qui partent», relève un responsable syndical, qui dénonce le caractère «irresponsable» des promoteurs du vote. Selon lui, le nombre total de licenciements contraints pourrait être ramené à «5 ou 10». Une autre source reconnaît que les incitations au départ «ont été plutôt bien négociées». Tout comme les 2,5 millions d’euros mis sur la table pour former le personnel à ses nouvelles tâches. Dans ce contexte, «il est très mal venu qu’une partie des salariés ait choisi d’en découdre avec la direction, sans réaliser que, sans accord avec NBC, c’est tout Euronews et ses mille salariés qui pourraient disparaître à moyen terme», ajoute la 1ère source. La pression est d’autant plus grande que M. Peters a averti qu’en cas d’échec des négociations, il serait contraint d’appliquer son «plan B»: la recherche immédiate de 30% d’économies, selon un syndicaliste.