F. VAULPRE (Eurodata TV) : « Attirer les jeunes adultes est le graal sur lequel toutes les chaînes travaillent »

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Frédéric VAULPRE, Directeur d’Eurodata TV Worldwide

Selon le dernier rapport d’Eurodata TV Worldwide, «Une Année de Télévision dans le Monde», les chaînes déploient aujourd’hui des stratégies innovantes pour attirer le jeune public. Au programme, réalité virtuelle, formats courts et réseaux sociaux. Afin de nous détailler les programmes ainsi que les tendances émergentes du marché télévisuel, média+ s’est entretenu avec Frédéric VAULPRE, Directeur d’Eurodata TV Worldwide. 

MEDIA +

De quelle façon les séries télévisées se renouvellent-elles ? 

FRÉDÉRIC VAULPRE

A l’évidence, les fictions deviennent de plus en plus qualitatives. Nous voyons la montée en puissance des séries européennes. Sur le dernier MIPTV par exemple, les échos ont été très positifs sur «Babylone Berlin» (Beta Film), un drama historique allemand adapté des romans policiers de Volker Kutscher (et dont l’histoire s’appuie sur les chantages et les harcèlements dans le milieu des banques d’affaires de Francfort, ndlr). Nous pouvons aussi citer le thriller premium et grand public de Sky Vision «Riviera» tourné sur la Côte d’Azur. De leur côté, les Français parviennent petit à petit à se positionner. La série de comédie «Dix pour cent» a reçu un très bon accueil.

MEDIA +

L’engouement autour des séries francophones est-il effectif à l’international ?

FRÉDÉRIC VAULPRE

Depuis que Channel 4 a acquis «Engrenages» en 2013, puis «The Revenant», les séries françaises ont commencé à tirer leur épingle du jeu. Dernier exemple en date, le succès à l’export de «Versailles». Pour la première fois, avec «Dix pour cent» (rebaptisée «Call My Agent» à l’international), une comédie s’est vendue à l’étranger, ce qui n’est pas si évident. Une des clés de la réussite passe aussi par les coproductions de plus en plus variées. «The Collection» a été montée avec Amazon et France Télévisions, «Jour Polaire» avec CANAL+, Sky et HBO. L’origine des coproductions a été initiée il y a plus de 5 ans avec «Borgia». Même les grandes chaînes généralistes s’y mettent. TF1, RTL et NBCUniversal ont un projet de coproduction baptisé «Gone», une série policière basée sur le roman de Chelsea Cain, «One Kick».

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L’immersion et l’interactivité ont une place de choix dans les émissions. Sommes-nous encore au stade de «gadgets» ou commencent-elles à être intégrées dans les formats ?

FRÉDÉRIC VAULPRE

On ne peut plus parler de «gadgets». L’interactivité et l’immersion commencent à s’inscrire doucement mais sûrement dans les programmes. A ce jour, nous sommes dans l’expérimentation à forte valeur ajoutée. C’est le cas de «The Voice» avec son application de réalité augmentée. Suite au dernier MIPTV, nous pouvons entre autres retenir le game show «Lost in Time» (FremantleMedia) diffusé le 25 mars en Norvège. C’est un nouveau format de divertissement novateur qui mêle réalité virtuelle et interactivité sur les téléviseurs et les appareils mobiles. L’émission suit trois concurrents transportés dans des époques différentes, y compris l’âge de glace, l’âge médiéval ou encore la période jurassique où ils rivalisent dans une série de défis épiques. C’est le premier vrai programme de télévision où la réalité virtuelle est au centre.

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Avez-vous repéré d’autres formats de ce type ?

FRÉDÉRIC VAULPRE

Oui, nous avons identifié un programme finlandais, «Tilt» (distribué par Kabo) mêlant réalité virtuelle et divertissement. Une bande de copains se retrouve dans une pièce et l’un d’entre eux va être confronté à des épreuves en réalité virtuelle. Ses amis vont le soutenir dans son parcours. Autre format, «Game of Clones», un dating où la réalité virtuelle place chaque célibataire face aux multiples clones de son amoureux rêvé.

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Face aux nouvelles consommations des Millenials, les diffuseurs traditionnels se remettent-ils en question ? Si oui, comment? 

FRÉDÉRIC VAULPRE

Attirer les jeunes adultes est le graal auquel toutes les chaînes travaillent. Depuis que nous avons accès aux données 4 écrans, nous pouvons identifier leurs habitudes de consommation. 55% du profil de l’audience sur les 3 écrans digitaux sont des 15-24 ans en Hollande alors qu’ils ne pèsent que 17% de l’audience sur le téléviseur. Cela prouve bien que les contenus TV qui vont fonctionner sur les écrans digitaux vont attirer très fortement les 15-24 ans. En France, la série-réalité «Les Marseillais» sur W9 atteint des records. En février, l’épisode en Afrique du Sud a rassemblé 400.000 téléspectateurs additionnels grâce au online (+40% avec les écrans internet). On retrouve la même tendance aux Pays-Bas. Sur certains programmes comme «Temptation Island», RTL5 a rassemblé +23% de téléspectateurs grâce à l’audience des 3 écrans additionnels. Quelque part, entre la nouvelle mesure et une typologie de programmes, on voit bien que le 4 écrans a été adopté par les jeunes.

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Quels sont les nouveaux factuals et divertissements à retenir ?

FRÉDÉRIC VAULPRE

Comme toujours, les Israéliens et les Turcs sont toujours très créatifs. Ils «donnent le la» concernant certains programmes de divertissement. Armoza mise sur le Song Contest comme «The Final Four». De son côté, le producteur et distributeur Global Agency met en avant «Bring Your Fame Back», un concept dans lequel on redonne sa chance à une ancienne star du rock. De façon plus anecdotique, les Japonais restent très créatifs. Ils viennent de proposer «Good Night Japan ZZZ», une émission qui aide le public à s’endormir. L’émission s’arrête au moment où il y suffisamment de téléspectateurs endormis.