Facebook : l’image deSheryl Sandberg écornée 

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Egérie de la Silicon Valley, Sheryl Sandberg en vient aujourd’hui à incarner le côté obscur de Facebook et sa gestion désastreuse des tentatives de manipulations russes de la présidentielle de 2016 sur le premier réseau social du monde. Jeudi soir, Facebook a confirmé que Mme Sandberg –numéro deux, auteure à succès, et architecte du modèle économique qui a fait le succès financier du réseau– avait personnellement demandé à ses équipes d’enquêter sur George Soros, le milliardaire et philanthrope devenu depuis l’affaire russe l’un des critiques les plus véhéments du réseau social. Lors d’un discours, tenu en janvier 2018 lors du forum de Davos en Suisse, George Soros avait notamment qualifié Facebook de «menace pour la société». Mme Sandberg cherchait donc à savoir si le milliardaire –qui s’est fait une réputation et une fortune en pariant contre la livre sterling en 1992– attaquait l’entreprise pour en tirer profit. Une demande qui n’est pas surprenante en soit mais elle vient ajouter aux questions sur le rôle exact joué par Mme Sandberg dans la polémique qui frappe Facebook depuis une enquête fouillée du New York Times publiée à la mi-novembre. Celle-ci avait montré que le réseau social –critiqué de toute part pour avoir trop tardé à réagir aux manipulations russes sur la plateforme– avait embauché Definers, une agence de communication à la réputation sulfureuse, pour contre-attaquer. Definers avait tenté de lier les attaques dont Facebook faisait l’objet à George Soros, bête noire des républicains et de l’extrême droite et cible d’innombrables attaques antisémites. Devant le tollé provoqué par les révélations du quotidien sur les méthodes de Facebook, Mme Sandberg avait dit tout ignorer de l’affaire avant de se raviser et d’admettre avoir «reçu un petit nombre de mails dans lesquels Definers était cité».

Publicité ciblée : Ces hésitations et une communication qui semble contrainte et forcée par les révélations dans la presse, ont donné un coup de canif à l’image quasi iconique de Sheryl Kara Sandberg, qui à 49 ans semble déjà avoir eu plusieurs vies. Assistante du secrétaire au Trésor sous Bill Clinton, elle a ensuite été embauchée par Google avant d’être choisie en 2008 par Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, pour l’épauler dans la gestion d’un réseau social à la croissance exponentielle mais à l’avenir financier encore incertain. C’est elle qui développe le modèle économique du réseau consistant à bombarder avec des publicités ultra-ciblées ses 2,3 milliards d’usagers. Grâce à cela, Facebook a engrangé près de 16 milliards de dollars de bénéfice net en 2017 et pesait un peu plus de 400 milliards de dollars en bourse vendredi. Mme Sandberg a aussi connu un immense succès avec son livre «En avant toutes» publié en 2013, une ode aux femmes et un appel à l’action pour qu’elles prennent la place qui leur revient dans le monde de l’entreprise. En 2015, c’est son soudain veuvage qu’elle partage avec l’Amérique. Mais «En avant toutes» a aussi fait grincer des dents, ses critiques estimant que des femmes moins privilégiées n’avaient pas grand chose à tirer du bestseller. L’expérience de son veuvage, partagée sur tous les médias américains pendant des semaines et dans un livre, avait aussi agacé. Malgré ces petits accrocs, Mme Sandberg avait réussi à conserver son image de force stabilisatrice chez Facebook, aux côtés de Mark Zuckerberg dont la devise à ses débuts était: «avancer vite et casser des choses».