Festival d’Annecy: «Tout en haut du monde» ouvre le bal des prétendants français

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«Tout en haut du monde», superbe première réalisation de Rémi Chayé, a ouvert sous les ovations du public du Festival du film d’animation d’Annecy le bal des prétendants français en lice pour le Cristal d’or, qui sera décerné samedi. «J’ai employé une méthode graphique, peu coûteuse et avec très peu de dessins, mais tous sont très précis. Les mouvements sont inspirés des animations japonaises et se situent aux antipodes des productions américaines», explique mercredi M. Chayé, au lendemain de la présentation de son film. 

Dans une Russie recouverte par la neige et la mainmise du Tsar, Sacha est une intrépide adolescente aristocrate de 15 ans – à laquelle l’actrice Christa Théret prête sa voix – aux yeux verts et à la chevelure d’or, fascinée par les exploits de son grand-père, le célèbre Oloukine. Mais l’explorateur n’a plus donné signe de vie depuis le lancement de sa dernière expédition vers le Grand Nord. Persuadée que les vaines investigations menées jusqu’ici sont dues à une erreur d’orientation, l’adolescente s’échappe du domicile familial pour se lancer, cartes sous le bras, sur la trace de son modèle. Elle est tour à tour aidée dans son périlleux périple vers la banquise par Olga, une tenancière à poigne et l’équipage du ténébreux capitaine Lund, un mystérieux et inattendu allié qu’elle croise en chemin. 

Réalisé avec un tout petit budget de 6 millions d’euros et sans sous-traitance, «Tout en haut du monde» est un récit d’aventure passionnant. Le film a été réalisé en 2D numérique à partir d’un logiciel «flash», qui joue sur une opposition de grands aplats sans textures mais nourris de dégradés de couleurs, et une composition de mouvements épurée.

Pour la colorimétrie du film, Rémi Chayé, technicien de l’animation de 45 ans «formé sur le tas» après un passage par l’école de La Poudrière, dans la Drôme, dit s’être inspiré des affiches aux teintes saturées des compagnies ferroviaires américaines du 19e Siècle. «Je souhaitais aller vers un style graphique facile à animer qui fait fonctionner l’imaginaire du spectateur. Un jour, j’ai enlevé certaines lignes de mes dessins. C’est comme ça que les traits du long métrage sont apparus», explique le cinéaste. Le coup de crayon de Rémi Chayé se fait notamment plus précis et incisif encore lorsque les éléments se déchaînent, comme lorsque l’équipage doit braver le blizzard ou lors d’une somptueuse scène en mer, qui voit le navire du capitaine Lund malmené par une gigantesque houle. 

Dix ans de gestation ont été nécessaires à la réalisation du long métrage, qui a été fabriqué «sur le sol européen». «Un choix politique», souligne-t-il. Le long métrage a été financé en coproduction franco-danoise après plusieurs refus et un «premier animatique – storyboard synchronisé, ndlr- catastrophique», se souvient Rémi Chayé. Le scénario du film a été retravaillé au fil des années et un soin particulier a été apporté aux décors. Le bateau du capitaine Lund a par exemple été entièrement pensé par un ami du réalisateur, charpentier de marine de profession. «Nous avons aussi beaucoup travaillé pour faire en sorte que les personnages existent vraiment», souligne Fabrice De Costil, le scénariste. Accompagné par les compositions musicales originales de Jonathan Morali, «Tout en haut du monde» devrait sortir en France en 2016.