France Télévisions : semaine houleuse en perspective

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La semaine s’annonce houleuse pour France Télévisions, entre la colère des journalistes qui vont se prononcer sur une motion de défiance contre la patronne Delphine Ernotte et celle des syndicats qui appellent à la grève, sur fond de critiques cinglantes d’Emmanuel Macron sur l’audiovisuel public. Dès lundi, les journalistes des rédactions nationales (France 2 et 3, franceinfo et franceinfo.fr) se rassemblaient en AG avant de procéder mardi au vote sur la motion de défiance. «Notre objectif : préserver une information de service public, en toute indépendance. L’info de bonne qualité nécessite du temps, de l’investissement, des moyens humains», explique la SDJ de France 2. En cause notamment, la perspective de nouvelles suppressions de postes dans le secteur de l’information en 2018 (30 équivalents temps plein). La mobilisation des journalistes ainsi que de nombreux soutiens de personnalités ont permis de maintenir la diffusion actuelle d’«Envoyé spécial» et «Complément d’Enquête», que la direction envisageait au départ de réduire pour faire des économies. Dans un courrier envoyé la semaine dernière à la direction de l’information, les journalistes dénoncent «les nombreux revirements», les «démentis hasardeux, voire (les) mensonges» «vécus comme un traumatisme par les équipes visées». Outre le mouvement de la rédaction, 3 importants syndicats du groupe – CGT, FO, SNJ – appellent à une grève de 24 heures mercredi pour protester contre un «plan de destruction méthodique de notre entreprise de service public». «Le Contrat d’objectifs et de moyens signé entre l’État et la direction de l’entreprise prévoit déjà la suppression de 500 postes d’ici à 2020, dont 180 en 2018. Le gouvernement, dans le cadre du budget 2018, exige davantage et veut amputer les ressources de l’audiovisuel public de 80 millions d’euros, dont 50 millions pour France TV» en 2018, déplorent les organisations. En cause également, des propos polémiques tenus par Emmanuel Macron devant les députés de la commission des Affaires culturelles, et rapportés par la presse. «L’audiovisuel public, c’est une honte pour nos concitoyens, c’est une honte en termes de gouvernance, c’est une honte en ce que j’ai pu voir ces dernières semaines de l’attitude des dirigeants», aurait fustigé le chef de l’Etat selon «Télérama». «L’audiovisuel public est la honte de la République», aurait-il dit selon «L’Express», des propos toutefois démentis par l’Elysée. Pointant «une grève sur des «On-dit»», la CFDT de France Télé a indiqué qu’elle ne participerait pas au mouvement. Delphine Ernotte présentera ses mesures d’économies pour 2018 en conseil d’administration le 21 décembre. Au-delà des économies réclamées à court terme, l’Etat souhaite engager à moyen terme une vaste réforme de l’audiovisuel public, également poussée par les sénateurs. «L’audiovisuel est une fierté dont il faut penser les transformations. Les usages et le panorama ont complètement changé, il est vraiment important de s’adapter de réfléchir pour voir comment prendre ce virage», a expliqué sur Europe 1 la ministre de la Culture Françoise Nyssen. Parmi les changements envisagés : le mode de nomination des dirigeants ou l’éventuel regroupement des médias publics dans une seule entité, «toutes les pistes sont à explorer», a-t-elle estimé. Les patrons de France Télé, Radio France, France Médias Monde, Arte et l’Ina planchent sur une proposition commune qui devrait être bientôt parachevée. Françoise Nyssen les recevra le 21 décembre avant de remettre ses propres propositions au président et au Premier ministre au mois de janvier, en vue d’une décision entre février et mars. Selon le «JDD», Emmanuel Macron souhaite une grande loi «à l’automne 2018». Côté France Télé, un observateur proche du groupe assure qu’il y a «une vraie envie de se transformer sereinement et les propositions émises par Delphine Ernotte le reflètent».