EU : la guerre des titans entre les géants américains des médias et des télécoms s’intensifie (SKY)

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L’offre de 31 milliards de dollars du câblo-opérateur Comcast pour le bouquet de télévision britannique Sky traduit la guerre des titans entre les géants américains des médias et des télécoms pour résister à Netflix et Amazon. En l’espace d’un an, les grandes manoeuvres se sont accélérées dans ce secteur en pleine transformation sous la poussée de la Silicon Valley et sa technologie du «streaming» qui permet de visionner des programmes en continu directement sur internet. Le nerf de la guerre ce sont les contenus, ces programmes proposés aux téléspectateurs pour les fidéliser mais dont l’acquisition revient cher. Si Netflix et Amazon ont les poches pleines et des actionnaires bienveillants, ce n’est pas le cas des acteurs traditionnels du secteur auxquels Wall Street demande de répliquer au plus vite face au succès de leurs «jeunes» concurrents et qui considère qu’une politique d’acquisitions apparait comme la meilleure solution. «La concentration du marché des fournisseurs de contenus va s’intensifier», prédit Brian Wieser, analyste chez Pivotal Research Group, d’autant que les grandes entreprises américaines disposent de ressources supplémentaires après la réforme fiscale. L’opérateur téléphonique AT&T veut fusionner avec le groupe de médias Time Warner (HBO, Cartoon Network, Studio Warner Bros, CNN) pour 85,4 milliards de dollars. Déjà propriétaire du groupe satellitaire DirecTV, AT&T deviendrait un puissant acteur dans la distribution et la production de contenus. Il récupèrerait un catalogue important, allant de séries à succès comme «Game of Thrones» et «Big Little Lies», à des chaînes de télévision très regardées comme TNT, TBS et CNN. Ces contenus pourraient également servir de produits d’appel pour AT&T afin de recruter de nouveaux abonnés à ses forfaits de téléphonie mobile ou pour encourager les clients actuels à renouveler leur abonnement. Seul hic: le ministère de la Justice (DoJ), un des gardiens de la concurrence aux Etats-Unis, s’y oppose. Un procès doit débuter mi-mars. De son côté, le géant du divertissement Walt Disney offre 66,1 milliards pour une partie de 21st Century Fox, l’empire du magnat Rupert Murdoch. Si la transaction exclut la très conservatrice et populaire chaîne de télévision Fox et ses déclinaisons sportives ainsi que les journaux («Wall Street Journal», «New York Post»…), elle inclut en revanche la plateforme de vidéo en ligne Hulu et Sky, dont la famille Murdoch détient actuellement 39% du capital. Les Murdoch veulent racheter les 61% restants mais les autorités britanniques de la concurrence rechignent depuis plus d’un an à valider l’opération. Sky, avec ses 23 millions de clients et son service de streaming «Now TV», présente l’opportunité pour Disney de se renforcer en Europe car, hormis son catalogue de films, il ne propose pas beaucoup d’autres contenus hors des Etats-Unis. Sa chaîne de télévision ABC est essentiellement centrée sur les Etats-Unis et le bouquet de chaînes sportives ESPN n’est pas disponible dans de nombreux pays et il est en nette perte de vitesse aux Etats-Unis.Mais ce mariage est désormais menacé aussi par l’offensive de Comcast sur Sky pour 31 milliards de dollars. Comcast, qui pèse un peu plus de 170 milliards de dollars en Bourse, possède déjà des chaînes de télévision( NBC, NBC Sports, MSNBC et CNBC, E!, Telemundo), la marque commerciale Xfinity (câble et internet), le studio Universal (Dreamworks). Les autorités britanniques ne devraient pas lui opposer l’argument de concentration invoqué contre Fox et l’opération permettrait au groupe américain, qui lorgnait également sur Fox avant d’être éconduit, de trouver à court terme de la croissance externe. Des analystes n’excluent pas que Comcast revienne aussi à la charge sur Fox, en dépit des craintes en matière de concurrence, si AT&T obtenait finalement le feu vert pour acheter Time Warner.