Harvey Weinstein, le puissant producteur déchu

419

Meryl Streep, la reine d’Hollywood, l’a notoirement surnommé «Dieu», mais le puissant producteur Harvey Weinstein vient de dégringoler de l’Olympe à la suite de multiples accusations de harcèlement sexuel qui courent sur plusieurs décennies. Celui qui a co-fondé les studios Miramax puis Weinstein Company avec son frère Bob avait le pouvoir de faire ou défaire des carrières à Hollywood jusqu’à son éviction dimanche de sa propre société, sa réputation désormais sulfureuse le rendant indésirable. Le scandale est d’autant plus retentissant que Harvey Weinstein, marié en 2des noces à la créatrice de mode Georgina Chapman, père de 5 enfants dont 4 filles, était jusqu’à la semaine dernière une figure adulée d’Hollywood. «Pulp Fiction», «Kill Bill», «Gangs of New York», «The Artist», … Les oeuvres de Miramax et la Weinstein Company ont accumulé 303 nominations et récolté 75 statuettes aux Oscars, entre autres récompenses prestigieuses. Le producteur surdoué, à la fortune estimée à 150 millions de dollars, était aussi connu comme philanthrope, champion des causes progressistes, et gros donateur démocrate. Une enquête du «NYT» a révélé au moins 8 accords amiables passés pour étouffer des allégations de harcèlement sexuel, notamment avec l’actrice vedette Ashley Judd à qui il aurait demandé de le regarder prendre une douche dans une chambre d’hôtel. Une mannequin italienne a appelé la police à New York en 2015, affirmant que Weinstein lui avait touché les seins et mis les mains sous sa jupe. Des collaboratrices se seraient vues confrontées à du chantage sexuel et une journaliste a assuré au «Huffington Post» que le producteur l’avait coincée dans un restaurant et forcée à le regarder se masturber. Le producteur de 65 ans a présenté jeudi des excuses étranges, semblant justifier son comportement par la «culture» des années 60 et 70 pendant lesquelles il a grandi. C’est maintenant son frère cadet Bob (62 ans) qui se retrouve force dominante de leur maison de production, dont l’aura avait déjà pâli à la suite de plusieurs échecs commerciaux (à l’instar de «Gold», avec l’acteur oscarisé Matthew McConaughey). Les frères Weinstein sont nés à New York dans le quartier du Queens. Ayant hérité de la passion du cinéma de leur père Max, un diamantaire, Harvey et Bob ont co-fondé Miramax – d’après le nom du père et celui de leur mère Miriam – en 1979, avec l’argent accumulé en produisant des concerts de rock. Les frères ont bâti leur renommée avec des films d’art et d’essai comme «Sexe, mensonges et vidéos», coup d’essai et coup de maître de Steven Soderbergh auréolé d’une palme d’Or à Cannes. Harvey Weinstein s’est lui-même essayé à la réalisation avec 2 films tombés dans l’oubli dans les années 80: «The Gnomes’ great adventure» et «Playing for Keeps». Après avoir vendu leur maison de production à Disney en 1993, les frères ont quitté le studio en 2005 pour monter une nouvelle entreprise portant leur nom. Considéré comme un génie du marketing au tempérament volcanique, Harvey Weinstein a notamment mené la campagne audacieuse de «The Artist» aux Oscars, qui s’est soldée par 5 statuettes dont meilleur film et meilleur acteur pour Jean Dujardin, ou celles du «Discours d’un roi» et de la «La dame de fer», qui a valu une statuette de meilleure actrice à Meryl Streep. Cette dernière a assuré lundi qu’elle ignorait le comportement «honteux», «inexcusable» de Weinstein. Depuis que le scandale a éclaté, beaucoup de responsables démocrates tentent de prendre leurs distances avec cet important donateur du parti. Décoré de la Légion d’honneur en 2012, «Harvey les ciseaux» – surnom pour sa tendance impitoyable à couper selon son bon vouloir au montage – il a aussi contribué financièrement à des associations contre le sida, la pauvreté, ou en faveur du contrôle des armes à feu et de la couverture santé universelle.