Intelligence artificielle et monde du travail: quels impacts ?

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Moins de chauffeurs routiers remplacés par des véhicules autonomes, des conseillers bancaires «chatbot»… France Stratégie passe à la loupe les impacts de l’intelligence artificielle dans les métiers de la santé, la banque et les transports et recommande surtout «d’anticiper» et «de former». Dans un rapport publié mercredi, en même temps que celui très attendu du mathématicien et député LREM Cédric Villani, France Stratégie s’est penché sur «intelligence artificielle et travail» à la demande de Muriel Pénicaud (Travail) et de Mounir Mahjoubi (Numérique). Depuis plusieurs années, l’intelligence artificielle, «IA», nourrit rêves, fantasmes mais aussi angoisses, en particulier sur les transformations déjà à l’oeuvre dans certains métiers. Est-ce la fin des tâches laborieuses et peu qualifiées, donc une richesse? Ou une véritable menace pour l’emploi avec des milliers de chômeurs à la clé? «Entre ces 2 scénarios extrêmes, aucun consensus ne se dégage aujourd’hui», reconnaît l’organisme placé auprès de l’exécutif. Si bien que «l’amélioration des conditions de travail est une hypothèse tout aussi crédible que l’aliénation et l’intensification du travail», relève-t-il. Pour cette étude, il a ciblé les secteurs de la banque, de la santé et du transport routier. Alors que la France connaît une pénurie de chauffeurs routiers, les regards sont tournés vers les véhicules autonomes. Mais dans les faits, nous en sommes encore loin. «L’impact sur l’emploi du véhicule autonome est particulièrement difficile à anticiper: la technologie n’a pas encore atteint un niveau de sûreté tel qu’il soit possible de prévoir avec précision un calendrier pour sa généralisation», note le rapport. Reste que lorsque le véhicule entièrement autonome arrivera, exit les chauffeurs routiers. On peut aussi imaginer des «navettes autonomes» qui viendraient remplacer des taxis. De nouveaux emplois pourront être créés, comme ceux de «superviseur de flotte» de véhicules autonomes. Il est aussi question d’«acceptation sociale» de l’IA, souligne le rapport: «le véhicule autonome réussira-t-il à vaincre les réticences des passagers à monter dans un véhicule sans chauffeur?» Dans le secteur bancaire, habitué aux mutations technologiques, l’IA «devrait avoir un impact significatif sur la pratique professionnelle des conseillers commerciaux, et accentuer la tendance à la réduction de leur nombre en agences, mais sans rupture majeure». Alors adieu guichetier, bonjour «chatbot», ce robot conversationnel qui sait répondre et faire des opérations simples. De fait, le numérique bouleverse la banque depuis déjà un moment. La Société Générale, qui vient de signer un accord de rupture conventionnelle collective, devrait ainsi fermer 500 agences et supprimer 3.450 postes entre 2016 et fin 2020. Même si, souligne France Stratégie, les départs à la retraite devraient être nombreux. Le rapport met aussi en garde contre «un risque d’isolement du travailleur» qui sera connecté avec beaucoup d’applications mais moins d’humains. Dans la santé également, l’IA sera source de bouleversements: suivi connecté des patients, robots chirurgicaux, logiciels d’aide à la décision pour les médecins… Face à tous ces changements, France Stratégie préconise «d’anticiper» et de conduire des «travaux de prospective sur le potentiel de l’intelligence artificielle» dans les branches et les filières. Une tâche pas forcément simple car les entreprises peinent déjà à définir les compétences dont elles ont besoin. Il faudra aussi «former», à la fois des travailleurs très qualifiés dans le secteur de l’IA et «des travailleurs conscients des enjeux techniques, juridiques, économiques ou éthiques que pose le recours à des outils à base d’intelligence artificielle». Attention, prévient France Stratégie, dans les secteurs ou l’IA prendra beaucoup de place, à «ne pas sous-estimer les risques en matière de conditions de travail – perte d’autonomie, intensification du travail, etc…».