Thierry JADOT, CEO de Dentsu Aegis Network

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Le secteur de l'audiovisuel français n'a pas su s'adapter au défi de l'internationalisation selon un rapport de l'Institut Montaigne. Pour nous en parler, média+ s’est entretenu à Thierry JADOT, CEO de Dentsu Aegis Network qui a co-piloté cette étude avec Xavier Couture et Natalie Rastoin.

 

média+ : La France est faiblement compétitive à l’export. Est-ce un mal dont souffre le secteur audiovisuel français ?

 

Thierry JADOT : L’audiovisuel français réalise de médiocres performances dans un marché qui s’est globalisé. L’Allemagne, les pays Nordiques, le Royaume-Uni ou encore Israël réussissent très bien à exporter leurs programmes sur le marché mondial.En France, les ventes de formats TV ne représentent que 130M€/an en 2013. C’était exactement le même chiffre qu’il y a 15 ans. A titre de comparaison, le marché de l’exportation de formats audiovisuels de la Grande-Bretagne s’élève à 1,5Mlds€. L’exception culturelle française à provoqué une forme d’exception réglementaire qui fait que les producteurs et les diffuseurs se parlent peu et restent très indépendants les uns des autres. Or, sur tous les benchmarks que nous avons réalisé dans le monde, diffuseurs et producteurs travaillent à l’exportabilité des formats.

 

média+ : Jusqu'à maintenant, les diffuseurs ne sont pas détenteurs des droits par principe au-delà de la période d’exclusivité. Qu’en pensez-vous ?

 

Thierry JADOT : Les diffuseurs financentl’essentiel des productions. Dans l’univers des fictions, 70% des productions sont financées par les diffuseurs sans qu’ils ne possèdent de façon conjointe la totalité des droits. Nous pensons que les producteurs et les chaînes peuvent, ensemble, rechercher des financements à l’international et bénéficier ensuite de la vente de ces formats. Certaines productions bénéficient d’aides publiques, notamment à travers le CNC à hauteur de 250M€/an. Nous souhaitons réviser ces critères d’allocations en supprimant une forme de hiérarchie des formats. Le CNC estime en effet que la fiction et le documentaire valent plus que les programmes de flux qui ne sont pas aidés. Ces derniers constituent pourtant une grande partie de l’audience sur les chaînes. Nous considérons que tous les formats se valent à partir du moment où ils font rayonner l’excellence culturelle française.

 

média+ : Existe-t-il une certaine forme de conservatisme culturelle de l’audiovisuel français ?

 

Thierry JADOT : Nous le pensons ! Tout cet écosystème audiovisuel a été conçu à une époque où nous souhaitions préserver l’indépendance de la création. Dans les années 80-90, il n’y avait pas encore toute cette concurrence numérique. Il existe aujourd’hui une telle multiplication des canaux, que les contenus étrangers prennent le pas sur les productions nationales. Il est donc nécessaire de retrouver un certain équilibre. Ces dernières années, la rente dont ont bénéficié les diffuseurs et les producteurs les a freinés quant à l’alignement des œuvres sur les standards internationaux en matière d’écriture et de production. Ce système n’a pas crée de champions nationaux côté diffuseurs et producteurs, ce qui explique cette faiblesse de la France sur les marché mondiaux. Le 1erproducteur français est Lagardère Entertainment et il n’est que le 13ème acteur européen.

 

média+ : La réglementation peut-elle freiner les diffuseurs en quête de productions originales ?

 

Thierry JADOT : Pour être éligible à un certain nombre de soutiens financiers, il faut justifier que l’œuvre soit d’expression originale française, et notamment qu'elle soit tournée en langue française. Ce système est dépassé. Nous souhaiterons passer à une vision plus économique du «made in France», qui privilégie le fait de produire en France. Nous voulons également renforcer l'industrie en permettant aux diffuseurs d'investir plus largement dans la production. Nous souhaitons enfin réorienter les allocations du CNC au profit du numérique, des jeunes talents et de l’exportabilité des programmes. Aujourd’hui, moins d’1% des aides du CNC servent à l’exportation du programme