Irrévérencieuses et battantes: les héroïnes crèvent l’écran du festival de cinéma de la Berlinale

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Guerrière, handicapée inspirante ou encore cheffe cuistot: des héroïnes au fort caractère crèvent l’écran du festival de cinéma de la Berlinale où l’émancipation des femmes est à l’honneur. «Toutes les sociétés patriarcales sont construites pour soutenir la domination masculine où le statut de la femme et l’espace social sont décidés par l’homme. Ainsi, chaque fois qu’une histoire est racontée sur, ou autour du soi-disant «second sexe», c’est inévitablement un film féministe», assène TeonaStrugarMitevska.

Avec «Dieu existe, son nom est Petrunya», cette réalisatrice macédonienne raconte l’histoire vraie d’une jeune femme qui décide sur un coup de tête de participer à une compétition rituelle traditionnellement réservée aux hommes. Contre toute attente, elle la remporte mais devra leur faire face, ainsi qu’aux autorités religieuses.Révélée par «Je suis de Titov Veles» (2009), film qui mettait déjà à l’honneur des femmes fortes, Mme Mitevska s’évertue à défendre l’égalité dans ses productions: «Le féminisme n’est pas une maladie, ou quelque chose dont il faut avoir peur. L’égalité, la justice et l’équité pour tous sont le fondement de son idéologie». Au fil de l’histoire, l’héroïne réservée et constamment infériorisée se construit une personnalité singulière et s’émancipe des jougs religieux et patriarcal. Jusqu’à bousculer l’ordre des choses: «Et si Dieu était une femme?», conclut la narratrice. A défaut, celle-ci peut aussi s’apparenter à une guerrière. Ou une déesse. Comme dans «Jessica Forever», 1er long-métrage des Français Caroline Poggi et Jonathan Vinel, Ours d’or 2014 du court. Dans un futur proche, de nombreux orphelins vivent seuls en marge des villes et tuent pour subvenir à leurs besoins. Traqués par des drones des forces spéciales, ils sont recueillis par Jessica qui, telle une gourou, canalise leur violence et s’est donné pour mission de les sauver. «Aux yeux des garçons, Jessica est aussi bien une mère, une grande soeur, une star, une muse, une magicienne, une sorcière. Elle représente leur salut», explique Caroline Poggi. Ce film fantastique qui casse les codes du genre interroge sur la place donnée aux parias dans notre société. Pourquoi alors ne pas faire de sa différence une force, s’interroge l’Italien Federico Bondi dans «Dafne»? Très poétique et attendrissant, son film suit les péripéties d’une jeune trisomique curieuse, méticuleuse et courageuse qui, après le décès brutal de sa mère, se consacre à un père sombrant graduellement dans la dépression. «Dafne représente l’autonomisation de la femme parce qu’elle est une inspiration pour toutes les personnes qu’elle rencontre. Elle n’est pas affectée par sa différence, elle l’accepte et (…) vit sa condition avec une sérénité mature», estime son réalisateur. Le courage constitue également le trait de caractère principal du documentaire «Shooting the mafia» de la britannique Kim Longinotto («Sisters in Law», 2005), portrait de Letizia Battaglia, 1ère photojournaliste d’un quotidien italien qui durant toute sa carrière s’est battue contre la mafia, souvent au péril de sa vie. A désormais 83 ans, Mme Battaglia, figure respectée à Palerme, reste irrévérencieuse: «C’est bien quand ton travail est apprécié, mais le succès me fatigue. Je préfère l’amour. Je pensais en avoir fini avec l’amour…», lâche-t-elle en enchaînant les cigarettes, elle qui vit une nouvelle romance avec un homme de 38 ans son cadet. Prouver que les femmes peuvent faire aussi bien que les hommes, voire mieux, c’est aussi l’objet du documentaire «The Heat: akitchen (r)evolution»: 7 cheffes cuisinières racontent ouvertement leurs difficultés à s’imposer dans un univers machiste. Si certaines d’entre elles ont été victimes de harcèlement, toutes veulent néanmoins susciter des vocations féminines.