La série danoise ne cesse de séduire

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Avec des contenus originaux sans cesse renouvelés, des acteurs charismatiques et un dynamisme qui attire les géants de la vidéo en ligne, la série danoise ne cesse de séduire et s’impose sur les écrans du monde entier. Dernier chouchou en date, «Au nom du père», diffusée sur la chaîne franco-allemande Arte à partir de jeudi, LA nouvelle série d’Adam Price, scénariste de l’acclamé «Borgen», qui suivait les tribulations politiques et personnelles d’une ambitieuse Première ministre. Un savant dosage d’exotisme et de réalisme explique l’appétit du public mondialisé pour ces séries initialement locales et non-anglophones, avance Pia Jensen, professeure de sciences de l’information à l’Université d’Aarhus et spécialiste des séries. Longtemps cantonnée au genre policier, la série danoise a explosé à l’international avec «The Killing», où l’on suit les enquêtes d’une détective de la police de Copenhague. Elle a depuis dépassé cette vignette «Nordic Noir», elle-même standardisée et dont l’esthétique se retrouve au-delà des frontières scandinaves dans des séries comme «Shetland» ou «Broadchurch», produites en Grande-Bretagne, explique Mme Jensen. Pour un public étranger, le Danemark tel qu’il est présenté à la télévision est «une société exotique à laquelle on doit aspirer à cause de l’État-providence et des personnages de femmes fortes». «Comme si le Danemark était le paradis de la parité», s’amuse-t-elle. Paradoxalement, dans ce monde presque idéal, évoluent des personnages «normaux» auxquels le public dit s’identifier facilement, souligne la chercheuse. Distribué dans près de 80 pays, «Au nom du Père», explore les méandres du quotidien d’une famille de pasteurs danois, dominée par la figure d’un père volontaire et tempétueux en proie à de nombreux démons, Johannes Krogh.Lars Mikkelsen, qui incarne ce pasteur quinquagénaire et qui jouait déjà dans The Killing, vient d’être récompensé par un International Emmy Award. Acclamé également pour sa performance en tant que président russe dans «House of Cards», il a, avec ce rôle «créé un nouvel étalon pour l’interprétation d’un personnage principal dans une série télé», assure le créateur du programme, Adam Price, figure incontournable de la création culturelle au Danemark. «Johannes est la 10ème génération de pasteurs: c’est un fardeau énorme qui le tourmente et il le laisse à son tour tourmenter ses fils», résume-t-il. L’aîné, Christian, paumé, est en rupture de ban tandis que le second, August, pasteur comme papa et marié, suit consciencieusement la voie familiale jusqu’à ce qu’il devienne aumônier pour les troupes stationnées en Afghanistan. «Dans la Bible, il y a plein d’histoires de pères, de fils et de frères, c’était un terreau parfait pour parler des relations masculines, du gène de compétition entre les hommes d’une même famille», analyse M. Price. On retrouve dans «Au nom du père» une partie de l’ADN de «Borgen»: l’efficace politicienne Birgitte Nyborg partage avec le cacique Johannes Krogh une passion pour son travail. «Mais Johannes réagit de manière différente car son ambition n’est pas liée au monde politique, elle concerne un pouvoir plus surnaturel», note Adam Price. A la réflexion sur la foi et la religion s’entremêle une dissection consciencieuse de la matrice familiale. «La religion est parfois quelque chose d’imposé, de la même manière que l’autorité peut être imposée à nos enfants dans une famille», souligne le scénariste, qui planche actuellement sur «Ragnarok» pour Netflix, une série en six épisodes dans laquelle un dieu de la mythologie nordique se réincarne en adolescent du monde moderne. «Au nom du père» a été pensé comme une histoire en deux actes, la 2ème saison est actuellement diffusée sur la télévision publique DR, qui l’a produite, et rassemble plus de 500.000 téléspectateurs. Ce pays de 5,8 millions d’habitants tient à sa réputation d’innovateur sur petit et grand écran.