L’Allemagne restreint l’exploitation de données par Facebook

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Le gendarme allemand de la concurrence a restreint jeudi l’exploitation par Facebook des données de ses utilisateurs, en lui interdisant de piocher d’autorité dans les informations collectées par des sites tiers ou des filiales comme Instagram et Whatsapp. «Facebook ne peut plus contraindre ses utilisateurs à accepter une collecte quasiment illimitée de leurs données», qui place le géant américain en «position dominante», a résumé le patron de l’Office anticartel allemand, Andreas Mundt. Concrètement, le groupe devra solliciter «l’accord explicite» de ses quelque 30 millions d’utilisateurs allemands avant de rattacher à leur compte les données obtenues via des applications qui lui appartiennent, comme Instagram et Whatsapp, ou grâce au bouton «J’aime» inséré sur des pages internet tierces. Chacune de ces sources extérieures pourra continuer à accumuler des informations personnelles, mais il ne sera plus possible pour Facebook de les «fusionner» sur la seule base de ses conditions générales d’utilisation, explique M. Mundt. Le groupe californien devra soumettre «dans les 4 mois» une modification de ses paramètres au Bundeskartellamt, qui devra ensuite l’«approuver», pour une mise en oeuvre au plus tard d’ici un an. Faute de quoi Facebook s’expose à une amende pouvant atteindre 10 millions d’euros par mois. Plus largement, selon M. Mundt, il s’agit de «contraindre les géants de la tech à adapter leur modèle économique», reposant sur l’exploitation de données personnelles à des fins publicitaires, «au droit de la concurrence» limitant la concentration de telles informations par un seul acteur. Le Bundeskartellamt avait lancé ses investigations mi-2016, reprochant au géant américain de collecter auprès de réseaux tiers – Instagram, Whatsapp, Twitter et d’autres sites – des masses d’informations sur ses usagers à leur insu. Dès ses conclusions préliminaires rendues en décembre 2017, le Bundeskartellamt avait estimé que le réseau social «commet un abus, en faisant dépendre l’utilisation du réseau social du droit (…) de collecter des données de toutes sortes». Dans un communiqué, Facebook a annoncé son intention de faire appel, jugeant que l’Office anti-cartel «fait une mauvaise application» du droit en sous-estimant la concurrence dont il fait l’objet en Allemagne de la part de «YouTube, Snapchat ou Twitter». «La popularité n’est pas synonyme de domination du marché», se défend le groupe, rappelant qu’il a par ailleurs déjà modifié ses paramètres de confidentialité il y a moins d’un an pour les mettre en conformité avec le Règlement européen de protection des données (RGPD). Bitkom, la fédération allemande des entreprises numériques dénonce une mesure qui pénalisera selon elle les «plus petits», à savoir les sites tiers qui peuvent faire connaitre leurs offres au grand public grâce à ces boutons «like». La fédération dénonce également l’activisme de l’Allemagne en matière de réglementation des exploitations de donnée, alors que ces décisions sont censée être prises et harmonisées au niveau européen depuis la mise en place en mai du RGPD (Règlement général sur la protection des données). Enfin, Facebook, dont le siège européen est basé à Dublin, estime relever de l’Autorité irlandaise de protection des données personnelles et non du gendarme anticartel allemand.Le géant californien, qui fêtait lundi ses 15 ans, sort d’une année 2018 marquée par une série de polémiques, à commencer par le scandale Cambridge Analytica, soit l’exploitation à des fins politiques de données d’utilisateurs de Facebook à leur insu, notamment pendant la campagne présidentielle de Donald Trump. Ce scandale, ainsi que la mise en place du RGPD en mai dernier, vaut à Facebook d’être particulièrement dans le viseur des régulateurs.