Le débat sur Netflixs’est invité à la Berlinale avec l’entrée en compétition d’«Elisa y Marcela»

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Le débat sur Netflix s’est invité mercredi la Berlinale avec l’entrée en compétition d’«Elisa y Marcela», premier film financé par la plateforme en lice pour l’Ours d’or, un sujet qui divise réalisateurs et exploitants de salles. Couronné à Venise en 2018 avec «Roma» mais toujours boudé en compétition par Cannes après une controverse il y a deux ans, Netflix n’avait pas encore été en lice au festival du film de Berlin. C’est chose faite avec le film espagnol «Elisa y Marcela» d’Isabel Coixet, une histoire d’amour en noir et blanc entre deux femmes en Espagne au début du XXe siècle, dont l’une s’est déguisée en homme pour qu’elles puissent se marier. Mais avant même que le film soit montré à la Berlinale, quelque 160 exploitants de cinéma allemands ont envoyé une lettre au festival et à la déléguée pour la Culture au gouvernement allemand Monika Grütters, exigeant qu’il soit retiré de la compétition. «Nous, les exploitants de cinémas indépendants en Allemagne, ne sommes pas d’accord avec le fait qu’«Elisa y Marcela» d’Isabel Coixet, un film qui ne sera pas distribué normalement dans les cinémas mais seulement diffusé sur Netflix, soit présenté», ont-ils dit, demandant qu’il soit «montré hors compétition». Le directeur de la Berlinale, Dieter Kosslick, dont c’est le dernier festival après 18 ans de service, n’a pas cédé à leur requête, mais appelé à ce que les gros festivals de cinéma s’accordent sur ce sujet. «Les festivals de cinéma internationaux devraient adopter une position commune sur la façon de gérer la question des plateformes de streaming à l’avenir», a-t-il indiqué. La présence de Netflix dans les festivals a en effet déjà fait couler beaucoup d’encre. Cannes a imposé l’obligation de sortir en salles pour être en compétition, après une levée de boucliers des exploitants de cinéma français lors de l’édition 2017, où deux films Netflix étaient en lice. En représailles, Netflix a boycotté Cannes l’an dernier. Le délégué général du Festival de Cannes Thierry Frémaux a depuis concédé réfléchir à nouveau à ce sujet. La Mostra de Venise, elle, a accueilli au contraire à bras ouverts la plateforme de streaming, récompensée cette année par la récompense suprême, le Lion d’or, pour «Roma» d’Alfonso Cuaron, un film désormais en bonne position pour les Oscars après avoir triomphé aux Golden Globes et aux Bafta. Isabel Coixet, habituée de la Berlinale – où elle a présenté plusieurs films en compétition, dont «Ma vie sans moi» en 2003 – a réagi vivement à la lettre des exploitants allemands. «C’est sûr que ça fait mal cette lettre», a-t-elle dit mercredi lors d’une conférence de presse. «Je trouve que c’est un grand manque de respect pour le festival, pour les films, pour le travail des deux actrices, pour mon travail, pour celui de la production». «C’est un peu comme si on disait qu’on était des mafieux qui ont insisté pour faire passer leurs films. Ce n’est pas comme ça que ça c’est passé», a-t-elle insisté, appelant à la «coexistence de films sur plateformes et en salles». La réalisatrice de 58 ans a expliqué qu’«Elisa y Marcela», difficile à financer en raison de son sujet et du noir et blanc, avait pu se faire grâce à Netflix. «J’ai juste écrit le scénario, j’ai essayé d’avoir des financements pendant dix ans, et personne n’était vraiment intéressé», a-t-elle raconté. «Puis j’ai trouvé une maison de production à Barcelone, et ils m’ont demandé si ça me posait problème qu’ils parlent du projet à Netflix», a-t-elle ajouté, soulignant qu’elle avait demandé que son film puisse sortir en salles en Espagne. «Je suis d’une autre génération. Je trouve ça très difficile à accepter» quand le film n’est pas sur grand écran, a-t-elle dit. «Mais en même temps j’ai ce virus du cinéma, je dois faire des films».