Les diffuseurs traditionnels d’Hollywood menacés par l’ascension du streaming

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Les diffuseurs traditionnels d’Hollywood n’en finissent plus de voir leur modèle menacé par l’ascension des groupes de streaming, qui bousculent le secteur avec des abonnements à prix sabrés pour des programmes haut-de-gamme à la maison. Tandis que les chaînes câblées payantes continuent à facturer plus de 50 dollars (44 euros) par mois pour l’accès à leur paquets de programmes haut-de-gamme, y compris la diffusion à la demande d’un grand nombre de films ou de séries, Netflix, Hulu et Amazon proposent pour quelque 8 dollars par mois des séries ou films de grande qualité. Les chaînes du câble «premium» sont peut-être encore reines pour la diversité de leurs offres de productions maison, notamment HBO («Game of Thrones», «Girls», «True Detective»…), Showtime («Homeland», «The Affair») ou encore AMC («Mad Men», «Breaking Bad», «The Walking Dead»…). Mais les poids lourds du streaming (en flux sans téléchargement) leur font de plus en plus d’ombre: les séries de Netflix comme «House of Cards» et «Orange is the New Black» ou d’Amazon («Transparent», «Mozart in the Jungle») ont été plébiscitées par le public, la critique, et ont reçu une pluie d’Emmy Awards ou de Golden Globes. Quant à Hulu, il passe aussi à l’offensive avec notamment le lancement d’ici quelques jours de «The Path», une ambitieuse production aux accents fantastiques avec Aaron Paul et Michelle Monaghan, sur le pouvoir de destruction des sectes. La firme américaine de services de paiements Vindicia vient de publier les résultats d’une enquête sur 1.000 Américains qui souscrivent à au moins un service de programmes par abonnement: 45% ont cité les services de vidéo en streaming comme HBO Now, Netflix et Hulu comme les plus importants pour eux, et plus de la moitié des 20-39 ans, les fameux «millenials» courtisés par les annonceurs, les utilisent. Une autre étude menée par le cabinet de conseil LEK montrait une tendance similaire en Grande-Bretagne. Les nouveaux diffuseurs internet offrent en outre aux créatifs d’Hollywood une grande liberté artistique, comme chez les géants du câble, face aux chaînes hertziennes plus conservatrices. Hulu «nous a laissés pousser les limites, prendre notre temps et laisser le récit respirer», s’est réjouie Jessica Goldberg, créatrice de «The Path». La révolution du streaming crispe aussi les cinémas.

Après le lancement par Netflix et Amazon de films au générique prestigieux comme «Beasts of no nation» ou «Chi-raq», de Spike Lee, diffusés simultanément en salles et en streaming, un nouveau projet fait grincer des dents. Intitulé «Screening Room» («salle de projection») et mené par Sean Parker, il veut rivaliser directement avec les exploitants en offrant des films en 1ère exclusivité à la maison. Avec l’achat requis d’un boîtier pour 150 dollars et de chaque titre pour 50 dollars pièce, il est a priori bien plus coûteux qu’un ticket de cinéma, mais peut être rentabilisé pour un groupe d’amis, et revient moins cher qu’un baby-sitter pour les parents qui veulent s’offrir une toile. D’après la proposition, les exploitants de salles et les studios récolteraient jusqu’à 20 dollars sur les 50 facturés par film. Le service compte parmi ses partisans des réalisateurs prestigieux comme Martin Scorsese, Steven Spielberg et Peter Jackson L’association américaine des exploitants (NATO) et celle des salles d’arts et d’essai Art House Convergence ne l’entendent pas de cette oreille, sonnant l’alerte face à une «dévaluation» de l’expérience en salles et un «embrasement du piratage».  Chaque innovation dans l’audiovisuel, de la cassette vidéo au DVD en passant par l’internet haute vitesse, suscite une levée de boucliers et des sombres présages sur la mort du cinéma. Pour autant le public des salles de cinéma est resté quasi stable sur 50 ans tandis que le box-office nord-américain se maintient autour de 10-11 milliards de dollars depuis 2009.