L’Indonésie s’attaque à la propagation des «fake news»

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L’Indonésie s’attaque à la propagation de fausses informations et à l’incitation à la haine en ligne avant la présidentielle de 2019, afin de prévenir de possibles conflits sociaux et religieux dans le pays musulman le plus peuplé au monde. La réputation de tolérance de l’archipel d’Asie du Sud-Est à l’islam modéré a été mise à rude épreuve ces derniers mois par des fondamentalistes musulmans exploitant les réseaux sociaux pour répandre des mensonges et s’en prendre aux minorités, selon les autorités. La police a récemment effectué une série d’interpellations liées à la cybercriminalité, notamment des membres de la Cyber-armée musulmane (MCA), composée de groupuscules accusés d’utiliser Facebook, Instagram et Twitter pour attaquer le gouvernement et alimenter l’extrémisme religieux. Dans le flot de fausses nouvelles, la MCA a affirmé à tort que des prédicateurs religieux faisaient l’objet d’attaques en Indonésie de la part d’éléments de gauche et que le Parti communiste – interdit dans le pays – était en pleine ascension, selon la police. Ces groupuscules cherchent ainsi à déstabiliser le gouvernement et à «créer des conflits sociaux», a déclaré le directeur des affaires sociales au sein de la police nationale, Gatot Eddy Pramono. Les autorités indonésiennes redoutent un éventuel impact négatif des «fake news» sur les élections qui auront lieu simultanément dans 171 provinces en juin, et lors de la présidentielle de 2019. Signe que le gouvernement prend les choses au sérieux, le ministère des Communications a annoncé en février le déploiement de nouveaux logiciels capables d’identifier des sites internet publiant des fausses informations. Et le président indonésien, Joko Widodo, a inauguré en janvier une nouvelle agence de cyber-sécurité. Le problème des fausses informations et campagnes de dénigrement avait atteint des sommets fin 2016 et début 2017 au moment de l’élection du gouverneur de Jakarta. Basuki Tjahaja Purnam, surnommé Ahok, qui fut le 1er gouverneur non musulman (il est de confession chrétienne) depuis un demi-siècle et le 1er issu de la minorité chinoise avait été l’objet de vives attaques verbales d’islamistes partisans d’une ligne dure. Ils l’avaient accusé, après l’apparition sur internet d’une vidéo sur l’un de ses discours, qui avait été éditée, d’avoir insulté le Coran. Ce document avait fait descendre dans les rues de Jakarta des centaines de milliers de conservateurs musulmans qui réclamaient l’incarcération du gouverneur qui a fini par être inculpé de blasphème et condamné à deux ans de prison, après avoir perdu l’élection.Face à la tournure des événements, le professeur d’université qui avait édité la vidéo devenue virale a été incarcéré quelques mois plus tard pour incitation à la haine. C’est au cours de cette campagne électorale que la Cyber-armée musulmane a attiré l’attention de nombreux experts. «La MCA provoquait de l’agitation avec cette affaire, il y avait une référence claire à la religion dans de nombreuses publications de la MCA», a observé Savic Ali, directeur du département médias à Nahdlatul Ulama, le plus grande organisation musulmane modérée du pays. Cette cyber-armée a joué un rôle pivot dans la dissémination de contenus explosifs attaquant Ahok et les non musulmans, a-t-il ajouté. L’un des groupuscules était inspiré par l’islam radical et voulait établir un califat, tandis que d’autres soutenaient des politiciens conservateurs et personnalités militaires opposés au président Joko Widodo, a relevé Damar Juniarto, de l’ONG Safenet. «Ils représentent une menace pour l’élection présidentielle en 2019. Ce qu’ils veulent faire maintenant, en 2018, c’est répéter dans d’autres régions du pays ce qui s’est passé à Jakarta», ajoute M. Juniarto. Des experts observent également que le pays a été très en retard pour introduire des programmes d’éducation numérique, afin de contrer les campagnes de désinformation.