Malgré des créations de postes sur le web, le nombre de journalistes a baissé en France en 2015

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Malgré des créations de postes sur le web, le nombre de journalistes a baissé en France en 2015, année marquée par plusieurs plans sociaux dans un secteur toujours fragile, selon une étude présentée jeudi aux Assises du Journalisme. Fin 2015, il y avait 35.928 journalistes titulaires de la carte de presse, soit 389 de moins qu’à fin 2014, selon les données de la Commission de la carte (CCIJP) citées dans le «baromètre sur l’emploi des journalistes» réalisé par le sociologue spécialiste des médias Jean-Marie Charon. «Les détenteurs de cartes étaient 37.307 en 2009 (le chiffre le plus élevé), soit en 6 ans un recul de près de 1.400» journalistes, relève-t-il. Le baromètre, élaboré à partir des données de la CCIJP et de syndicats de journalistes, n’est toutefois pas exhaustif et s’est concentré sur «trois secteurs sensibles» : la presse quotidienne régionale (PQR), les newsmagazines et France Télévisions. Avec «plusieurs titres fragilisés par des reculs très substantiels de diffusions», la PQR du sud de la France a vécu une année difficile, avec notamment 161 postes de journalistes supprimés dans les Journaux du midi («Midi libre», «L’Indépendant», «Centre presse») et 71 départs chez Nice Matin («Nice matin» et «Var Matin»), soit le tiers de la rédaction, rappelle le baromètre. Dans les newsmagazines, le «gros dossier» social concerne le groupe L’Express, dont le rachat par Altice Médias en 2015 s’est traduit par «94 départs dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, dont 35 journalistes» et 115 dans le cadre de «clauses de conscience» (dont 56 CDI). Chez France Télévisions, un plan de départs ouvert en 2014 a vu 307 employés quitter le groupe, dont 95 journalistes en CDI, selon l’étude, qui précise toutefois que ce bilan n’est pas définitif, la justice ayant obligé le groupe à embaucher des journalistes sous statuts précaires. «La fragilité économique du secteur de l’information se traduit par une restructuration quasi permanente», avec «des changements de propriétaires et des modifications de périmètre qui perturbent les équipes éditoriales», déplore l’Observatoire de la déontologie dans un rapport distinct, présenté aux Assises. Selon ce rapport, «les pressions économiques sur les médias semblent s’être accentuées au cours de 2015» et les conditions économiques et sociales y sont «critiques». A contre-tendance des réductions d’effectifs dans les médias traditionnels, le baromètre souligne le dynamisme des «pure players d’information», sites d’infos nés sur internet, qui embauchent progressivement des journalistes. Le secteur affiche des «progressions lentes mais régulières» et certains sites «sont à l’équilibre, voire bénéficiaires», comme Médiapart ou le HuffingtonPost. Le syndicat de la presse en ligne Spiil estime à 600 journalistes les effectifs de ses adhérents. 2015 a aussi vu l’arrivée de nombreux sites, comme Les Jours, qui emploie 20 journalistes, ou Spicee, qui fait travailler 5 journalistes permanents et un réseau de 70 pigistes.  Le secteur est toutefois «instable et fragile» «avec des disparitions au cours des dernières années tels Dijonscope, Carré d’info, Quoi.info, Owni, etc.». Exemple le plus récent, le site Rue89, pionnier français de l’information en ligne, va voir ses effectifs (20 personnes) réduits de moitié faute de rentabilité, sans licenciements toutefois. Aux côtés de ces pure players se développe un ensemble de sites qui produisent également de l’information, recrutent et génèrent de l’audience mais dont les rédacteurs n’ont pas forcément le statut de journalistes, relève l’étude.Certains d’entre eux sont pourtant adossés à des groupes de presse, comme CCM Benchmark (80 rédacteurs) qui a été racheté par Le Figaro, ou Auféminin.com (70 rédacteurs), détenu par l’allemand Axel Springer.  Les employés de ces sites présentent «des profils d’emplois qui peuvent être atypiques». Ils sont «en charge de leurs audiences et du suivi des ressources publicitaires générées par leurs contenus», note le sociologue.