Massilia Sound System remet «le òai» au cinéma cet été

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Mon défi fou cinéma

Ambianceur infatigable de fêtes, de concerts et d’apéros depuis plus de 30 ans, Massilia Sound System remet «le òai» (le «bordel») cet été, avec un film retraçant la carrière de ce groupe de reggae emblématique de Marseille. «Massilia Sound System le film» sera montré tout au long de l’été au cours d’une série de projections à travers le sud de la France. Le pastis promet de couler à flot et les soirées de s’éterniser, avec des concerts assurés par des membres du groupe. Pendant 1h40, la caméra de Christian Philibert suit Blù, DJ Kayalik, Tatou, Papet J ou encore Gari dans la tournée du 30e anniversaire de l’une des rares formations de ragga occitan – la seule en tout cas à avoir accédé à une telle notoriété au-delà du sud de la France.

Les minots des années 1980, qui ont fait leurs débuts dans le creuset marseillais en même temps qu’IAM, ont passé le cap de la cinquantaine. Un pilier du groupe (Lux B) est mort en 2008, mais l’énergie et l’engagement des chantres marseillais du vivre ensemble et de la langue provençale restent intacts. A l’écran, de la Fête de l’Huma au Dock des Suds à Marseille en passant par des scènes plus confidentielles, Massilia enflamme son public, dans une ambiance joints, pastis et chemises à fleurs, où les bières ne se décapsulent qu’avec les dents. «Qu’elle est bleue», «Au Marché du Soleil», ou «Tout le monde ment» : leurs tubes, plus dansants les uns que les autres, ont marqué des générations d’adolescents, qui lui sont restés fidèles et témoignent à l’écran. «Dans les concerts, on a toujours des minots devant, et maintenant, les anciens derrière», raconte Papet J, qui apprécie toujours de jouer les MC (maître de cérémonie), enchaînant les disques tout en haranguant le public, sur le modèle des Sound System jamaïcains. Au-delà du folklore festif, le Massilia Sound System continue de porter son message politique axé sur le vivre ensemble, la défense de l’identité régionale et les luttes sociales.Le «commando fada», qui chante en français et en langue provençale «a permis à toute une génération d’assumer son identité», estime le réalisateur du film. «On est la bande-son des mecs sur les barricades (…) on passe pas sur Skyrock mais sur les camions dans les manifs», résume Gari. Le groupe rappelle dans le film que son combat contre le Front National se poursuit, dans une région où il atteint des records : «Personne n’a d’excuse pour aller vers ces idées en bois, ces idées nauséabondes. (Les électeurs du FN) perdent leur humanité». Aujourd’hui, Gari confie qu’il n’a pas digéré l’annulation du concert à Verdun du rappeur Black M, qui paye là «l’intolérance et le racisme», et s’emporte contre «la bien-pensance de gauche».

L’artiste dénonce aussi ce qu’il appelle le «racisme anti-beaufs», une forme de condescendance pour les classes populaires qu’il décèle notamment dans le «Petit Journal» de Canal +. Loin des circuits parisiens, le groupe est fier d’avoir fondé son succès grâce à ses tournées et sa communauté de fans, les «Chourmo». «On est le groupe qui tourne le plus et on n’est signé chez aucun tourneur, aucune maison de production nationale», explique Tatou à l’écran. Le film, qui pourrait sortir en salle à l’automne, a été produit notamment grâce à 40.000 euros récoltés auprès de fans sur internet. Par solidarité militante, le CE des cheminots de Paca a versé 5.000 euros mais aucune subvention publique n’a été reçue, assure le réalisateur. De leur côté, plusieurs membres du Massilia travaillent actuellement sur des projets personnels, mais le groupe reprend le route des festivals cet été, avec une série de concerts en région.