Les meurtres en direct sur internet deviennent un problème pour Facebook

322

Il n’a jamais été aussi facile de mettre sur internet des vidéos filmées depuis son téléphone, y compris pour mettre en scène un meurtre. Et après 2 cas récents ayant ému l’opinion, cela devient un problème pour Facebook. Lundi, un Thaïlandais de 20 ans a diffusé des images en direct sur le réseau social alors qu’il tuait son bébé avant de lui-même se suicider. La semaine précédente aux Etats-Unis, le «meurtrier de Cleveland» se donnait la mort après 3 jours de traque. Cet homme de 37 ans avait abordé un inconnu dans la rue pour lui tirer dessus, et a publié la vidéo sur Facebook. Le groupe a dénoncé des crimes «épouvantables» et «horribles», n’ayant «pas leur place» sur son réseau. Mais les images sont restées plusieurs heures en ligne avant qu’il ne les retire. Certains ont critiqué cette réaction jugée trop lente, se demandant même s’il ne faudrait pas désactiver l’application de diffusion en direct Facebook Live, un axe de développement stratégique important du groupe. Après l’affaire de Cleveland, le patron-fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, a promis de «continuer à faire tout ce que nous pouvons pour éviter ce type de tragédie», mais concédé avoir «beaucoup de travail» en la matière. A côté des meurtres, des viols ont été retransmis en direct sur Facebook. Plusieurs personnes, et notamment des adolescents, ont également choqué en filmant leur suicide avec Facebook Live. Tous les services en ligne laissant les internautes publier librement des contenus peuvent être confrontés au problème, mais Facebook est particulièrement vulnérable vu sa taille (1,86 milliard d’utilisateurs fin décembre), relève Lou Kerner, partenaire chez Flight VC et spécialiste des réseaux sociaux. Il n’y a «pas de solutions faciles», reconnaît-il. «Ils vont avoir du mal à empêcher cela d’arriver. La question, c’est à quelle vitesse ils peuvent retirer» ce type de vidéos. La plupart des réseaux sociaux interdisent les contenus violents et choquants, mais vu l’énorme quantité de publications quotidiennes, ils comptent surtout sur les signalements des internautes pour les débusquer. Facebook dit ainsi employer «des milliers de personnes» pour examiner «les millions d’éléments signalés chaque semaine dans plus de 40 langues», et dit s’efforcer d’accélérer cette procédure. Il est en revanche peu envisageable d’instaurer sur le réseau, comme sur certaines chaînes de télévision, un délai de diffusion de quelques secondes pour vérifier les images avant leur diffusion, souligne Roger Kay, analyste chez Endpoint Technologies Associates. Avec «plus d’un milliard de personnes connectées les unes aux autres», on est «bien au-delà de l’échelle de ce qu’un humain peut faire», explique-t-il, tandis que malgré les progrès de l’intelligence artificielle, «la technologie n’est pas bonne à ce point» aujourd’hui et créerait trop de «faux positifs». «Je ne sais pas s’il y a une réelle solution humaine ou technique. On peut punir les violations (des règles) mais certaines personnes s’en fichent» note-t-il, mentionnant par exemple les vidéos d’exécutions que des organisations comme l’Etat islamique (EI) en diffusent depuis des années en ligne, ou simplement les gens «qui veulent avoir leur quart d’heure de gloire». Si Facebook n’est pas légalement responsable des actions des utilisateurs de sa plateforme, il «a la responsabilité morale d’apporter une réponse appropriée», estime Lou Kerner. Roger Kay rappelle néanmoins que toute édition des contenus publiés implique «un jugement moral» sur ce qui relève ou pas de la liberté d’expression. «Je suis assez sûr que Facebook ne veut pas jouer ce rôle». Le réseau marche d’autant plus sur des oeufs que s’il est jugé trop peu réactif aujourd’hui, il a à l’inverse été régulièrement accusé de censure dans le passé, comme quand il avait malencontreusement supprimé de plusieurs comptes en Suède le cliché historique d’une petite Vietnamienne sous un bombardement au napalm, parce que l’enfant était nue.