Mounir Mahjoubi «en stage» chez une «gilet jaune»

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Tournée des patients et nuit chez l’habitant: le secrétaire d’Etat au Numérique Mounir Mahjoubi se rend vendredi «en stage» chez une «gilet jaune» dans le Var, fidèle depuis le début du mouvement à sa méthode singulière au sein du gouvernement. Dimanche 9 décembre 2018, au lendemain de l’acte IV de la crise des gilets jaunes, Maxime Nicolle alias «Fly Rider» s’exprime sur Facebook live, quand, au milieu des commentaires qui défilent, ce message étonnant resté d’abord sans réponse: «Bonjour, je suis Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’Etat au Numérique, accepteriez-vous qu’on discute…». Finalement, l’homme politique et cette figure du mouvement noueront contact par téléphone et nourrissent depuis des échanges fondés sur «la défiance» et «les appels à la responsabilité», selon M. Mahjoubi, «absolument convaincu qu’il faut lui parler» malgré des propos controversés. Depuis que les premiers «gilets jaunes» ont investi les ronds-points, M.Mahjoubi se démultiplie pour tenter de tisser des liens directs avec les acteurs, quitte à utiliser des canaux inhabituels en politique. Quitte parfois à susciter l’agacement de certains de ses pairs au gouvernement ou dans la majorité. Face à cette crise, il est resté en France, plutôt que de se rendre à Las Vegas pour le Salon de l’électronique grand public, événement phare du numérique. Vendredi, il se rendra à Fréjus auprès de Céline, une assistant de vie spécialisée auprès de malades atteints d’Alzheimer, honorant une promesse formulée début décembre sur le plateau du talk show de Cyril Hanouna «Balance ton post». Cette mère célibataire l’avait convié à un «stage» dans son quotidien, pour une journée auprès de ses patients puis une nuit sur son canapé clic-clac. Le secrétaire d’Etat, titulaire d’un CAP cuisine, doit en retour se mettre aux fourneaux et entend aussi l’accueillir le 24 janvier à Paris, à son ministère de Bercy puis à l’Assemblée, et l’emmener en déplacement à Tours pour la signature d’une convention sur l’inclusion numérique. «Ça ne m’était jamais arrivé de voir une assistante de vie avoir des revendications sur les plateaux», souligne M. Mahjoubi, soulignant «le mouvement de libération de la parole», notamment via les réseaux sociaux, qu’a engendré le mouvement des «gilets jaunes». «Ce que l’on est en train de vivre, c’est le mouvement de ceux qui se sentent humiliés, qui n’arrivent jamais à faire entendre leur voix», plaide ce fils d’une femme de chambre et d’un peintre en bâtiment. «C’est mon moteur dans la vie. Je voulais reconquérir cette voix que mes parents n’ont jamais eue», ajoute l’ambitieux secrétaire d’Etat de 34 ans, qui lorgne la mairie de Paris. «Le premier événement organisé (sur Facebook) par Eric Drouet (une figure du mouvement), avec une faute d’orthographe dans le titre, ça m’a vachement ému», poursuit-il, soulignant que «le numérique a donné à tous un moyen de se connecter» et «d’oser» même si «tous n’ont pas les codes politiques». Dans une semaine marquée par des annonces sécuritaires du gouvernement, M.Mahjoubi, qui se veut «très ferme contre les casseurs», appelle toutefois à ce que «cette parole très sincère du début, on ne la perde pas de vue, malgré les violences» car «ce ne sont pas les mêmes personnes». Cet ancien syndicaliste CFDT et socialiste, soutien actif de Ségolène Royal lors de l’élection présidentielle 2007 et adepte de démocratie participative, avait aussi fait entendre sa singularité dans une tribune remarquée au Monde le 1er janvier où il affirmait sans détour: «nos façons d’être, notre langage parfois incompréhensible, ont été vécus avec violence et vus par certains comme les signes d’une rupture ou d’un mépris vis-à-vis des plus faibles, séparant les gens au pouvoir et les gens du peuple». «Elevons-nous à la hauteur des Français», exhortait-il encore.   Attention ! mettent en garde d’autres membres de la majorité. «Il faut arrêter de les légitimer», s’indigne un député LREM. «C’est un cri d’alarme, mais c’est pas nos potes». Pour cet élu, «on s’adresse aux Français, pas aux «gilets jaunes»».