Murdoch à la tête d’un Fox aminci

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lachlan murdoch

Après avoir cédé à Disney quelques-uns des joyaux de son groupe, le magnat Rupert Murdoch va se retrouver à la tête d’un Fox aminci, bâti sur l’info en continu et le sport, mais qui manque de taille à l’heure de la consolidation. A 86 ans, Rupert Murdoch n’a laissé à personne le soin de démanteler son empire, qu’il avait passé 65 ans à construire. Le patron de presse le plus puissant et le plus connu du monde, parti d’un simple quotidien d’Adelaide (Australie) au début des années 50, a choisi jeudi de céder plus de la moitié de son groupe à Disney pour 66 milliards de dollars, reprise de dette comprise. Il est aussi question de succession pour Rupert Murdoch, qui pourrait passer les rênes à son fils aîné Lachlan, tandis que James, le second, quitte Fox et travaillera à l’intégration avec Disney. Après la scission, Fox ne comprendra plus que la chaîne nationale Fox, l’une des quatre aux Etats-Unis avec ABC, CBS et NBC, ainsi que la chaîne d’information Fox News et un groupe de chaînes sportives, dont Fox Sports 1. En conservant ces actifs, Rupert Murdoch est parvenu à garder les plus belles sources de profit du groupe, à savoir le sport et l’information à la télévision. Sur l’exercice décalé 2016-17, les chaînes câblées, avec la partie britannique qui va sortir du périmètre, ont ainsi pesé 78% du résultat opérationnel du groupe. La perle Fox News est devenue, en 2016, la chaîne la plus regardée du câble américain, une première depuis sa création en 1996, largement due à l’élection présidentielle américaine. Elle rapporte plus de 1,5 milliard de dollars par an, selon une estimation du cabinet Kagan. Les scandales de harcèlement sexuel qui ont frappé la chaîne ces 18 derniers mois n’ont en rien entamé ses audiences ou sa profitabilité. «Le groupe sera toujours très très rentable», juge Tuna Amobi, analyste au sein du cabinet CFRA Research. Mais à l’heure où tous les grands acteurs des médias sont lancés dans une course à la taille, à l’instar de Disney, pour se positionner face aux géants d’internet comme Netflix, l’avenir de ce Fox taille S fait question. «Il est difficile d’imaginer un scénario dans lequel ce Fox existerait seul», considère Tuna Amobi. «Je pense qu’ils vont prendre part à une autre opération de consolidation», prévoit-il, «qu’ils acquièrent un autre groupe ou qu’ils fusionnent avec News Corp». Ces retrouvailles entre Fox et News Corp sont aujourd’hui dans beaucoup d’esprits, 4 ans après la scission qui devait séparer, d’un côté, la presse et ses difficultés structurelles, de l’autre la télévision, en pleine croissance. Pour Brian Wieser, analyste du cabinet Pivotal Research Group, une nouvelle union pourrait faire davantage sens aujourd’hui que le régulateur américain des télécoms, la FCC, a offert, en novembre, la possibilité à un même groupe de posséder à la fois un journal et une chaîne sur un même marché local, ce qui était interdit depuis des décennies. Mais même une fusion avec News Corp ne bouleverserait pas le modèle économique presque uniquement axé sur le câble américain des chaînes de Fox, dont le portefeuille d’abonnés ne cesse désormais de s’éroder, plombé par le streaming et les plateformes de diffusion sur internet. Pour autant, estime Michael Nathanson, du cabinet MoffettNathanson, l’info et le sport sont les seuls programmes «qui fonctionneront dans les bouquets du futur» sur le câble ou en ligne, les seuls pour lesquels le visionnage en direct se justifie encore. «Il y a beaucoup de changements qui arrivent», a déclaré jeudi Rupert Murdoch sur la petite chaîne financière Fox Business Network (qui restera dans le périmètre Fox). «Les gens regardent la télévision différemment. Pas les infos ou le sport, mais le divertissement». Reste que si l’information est à part, le sport n’échappe pas, lui, à la guerre des contenus, qui a poussé Disney, déjà gigantesque, à en acquérir de nouveaux via Fox ou AT&T à faire une offre sur Time Warner. Le meilleur atout de Fox sur le sport est le championnat de football américain NFL, pour lequel il débourse, chaque année, plus d’un milliard de dollars.