Nicolas CURIEN, Membre du CSA
A l’occasion des 1ères Rencontres du CSA qui se tiennent ce mardi sur le thème «L’audiovisuel dans l’espace numérique : plateformes et données», média+ s’est entretenu avec Nicolas CURIEN, Membre du CSA, Président du groupe de travail «Services audiovisuels numérique, distribution, accessibilité et prospective».
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Dans un environnement marqué par la multiplication des supports et des offres de contenus audiovisuels, quel rôle les plateformes numériques jouent-elle dans le secteur audiovisuel ?
Nicolas CURIEN
Les plateformes numériques, notamment les sites de partage et les réseaux sociaux, sont d’ores et déjà devenues des acteurs majeurs de l’audiovisuel, secteur dont elles redessinent les contours. Ces plateformes sont des «places de marché» où se rencontrent éditeurs, annonceurs et utilisateurs. Elles sont tout à la fois des «processeurs d’appariement», guidant les demandeurs de contenus dans le dédale d’une hyper-offre, et des «bâtisseurs d’audience», proposant aux annonceurs des espaces publicitaires ciblés. Le carburant des plateformes, c’est «la donnée», sous toutes ses formes : celle qui alimente les algorithmes de prescription, celle qu’utilise la publicité programmatique, celle qui permet d’offrir des services innovants et personnalisés.
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Les plateformes s’imposent-elles au détriment des médias traditionnels ?
Nicolas CURIEN
Aujourd’hui, le visionnage de contenus audiovisuels via les supports numériques demeure marginal vis-à-vis de leur consommation traditionnelle sur l’écran de télévision : quelques minutes par jour, comparé à plusieurs heures. Et il faudra sans doute attendre une décennie ou deux avant que les pratiques émergentes, actuellement observées chez les plus jeunes, se muent en un usage généralisé. Mais les médias traditionnels ne peuvent pour autant rester passifs : ils doivent anticiper la perspective d’un monde où l’audiovisuel sera totalement immergé dans l’océan du numérique.
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Les médias audiovisuels sont-ils adaptés à ce nouvel environnement ?
Nicolas CURIEN
Les médias audiovisuels sont significativement présents sur les plateformes. D’une part, ils y postent des contenus originaux aux formats spécifiques ; d’autre part, ils y promeuvent leurs contenus traditionnels. Le déploiement de leur stratégie numérique se heurte cependant à la faible marge de négociation dont ils disposent face à ces acteurs géants et mondiaux que sont les plateformes. Fortes de leur position dominante, ces dernières captent une part importante des revenus publicitaires et se réservent un usage quasi-exclusif des données qu’elles collectent. Il conviendrait que s’établisse à terme un partage de la valeur plus équilibré.
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A travers cette mutation, quels sont les enjeux en terme d’exposition et de monétisation des contenus ?
Nicolas CURIEN
Les plateformes représentent une forte opportunité d’accroître l’exposition et la consommation des œuvres audiovisuelles et cinématographiques françaises et européennes. Plusieurs interrogations subsistent cependant. Les algorithmes de prescription seront-ils favorables à la diversité culturelle, en suscitant la découverte sans enfermer les utilisateurs dans la bulle de leurs choix habituels? Les plateformes, aujourd’hui non soumises à la régulation sectorielle de l’audiovisuel, contribueront-elles à terme au financement de la création ? La protection des contenus sera-t-elle suffisamment efficace pour permettre leur monétisation ? Enfin, peut-on espérer l’émergence d’une plateforme numérique européenne qui soit vertueuse en matière de partage de la valeur avec les éditeurs et les ayants-droit ?
