Netflix : début mouvementé à Cannes pour «Okja»

302

Des sifflets, une interruption de plusieurs minutes, et finalement des applaudissements : «Okja» du Sud-Coréen Bong Joon-ho, premier film Netflix en lice pour la Palme d’or, a connu une toute 1ère projection haute en couleurs vendredi à Cannes. Si les choses sont rentrées dans l’ordre le soir, lors de la projection officielle en tenue de soirée et en présence de l’équipe du film, applaudie dès les premières images, la journée avait commencé de façon agitée pour ce film grand public. Il raconte le combat d’une jeune sud-coréenne pour ramener dans sa montagne son meilleur ami, un immense cochon génétiquement modifié que lui a repris la compagnie américaine à l’origine de la création de l’animal.

Rappelant l’univers du réalisateur japonais de films d’animation Hayao Miyazaki, ce film se double de plusieurs messages, en faveur de l’écologie et contre le capitalisme. Le matin, la projection avait très mal débuté au Grand Théâtre Lumière du Palais : le rideau n’était pas complètement levé sur l’écran pendant les 1ères minutes du film et en masquait les 3/5e, comme par exemple la tête de l’actrice principale, la Britannique Tilda Swinton.

Dans la salle pleine pour cette 1ère très attendue et controversée, des cris ont fusé pour alerter les techniciens du théâtre. «Ha ! c’est vraiment pas fait pour le cinéma», s’est exclamé un spectateur dans une allusion à la plateforme américaine aux 100 millions d’abonnés, tandis qu’un autre critiquait «une bande d’incompétents». La projection a repris à zéro après sept à huit minutes d’interruption et le film a fini sous les applaudissements. Interrogé sur cet incident en conférence de presse, Bong Joon-ho a dédramatisé : «Il y a toujours des problèmes techniques dans les festivals, alors là, je suis très heureux que vous ayez pu voir les 1ères séquences deux fois». Depuis l’annonce de la sélection d’«Okja» et de l’autre film distribué par Netflix, «The Meyerowitz Stories», réalisé par Noah Baumbach et en lice dimanche, un bras de fer oppose la plateforme américaine aux défenseurs des salles de cinéma. Le géant du streaming ne prévoit pas de sortir dans les salles françaises ces deux oeuvres, ce qui a bousculé le milieu du 7e art et scandalisé les exploitants français.

Sous la pression, les organisateurs du festival ont modifié leur règlement, imposant à partir de 2018 que tout film en compétition s’engage à sortir en salles. Mercredi, au premier jour du Festival, c’est le président du jury, l’Espagnol Pedro Almodovar lui-même, qui a relancé la polémique. Le réalisateur de 67 ans a estimé que la Palme d’or devrait sortir en salles. «Ce serait un énorme paradoxe que la Palme d’or ou un autre prix décerné à un film ne puisse pas être vu en salles», a-t-il dit. «Il (Almodovar) peut dire ce qu’il veut. Je suis heureux d’avoir mon film ici. Je suis fan de Pedro et quoi qu’il arrive en bien ou en mal, ça me plaît», a répondu vendredi Bong Joon-ho.Tilda Swinton, qui partage l’affiche avec l’Américain Jake Gyllenhaal («Prisoners»), a quant à elle été plus critique, jugeant que ces propos «ont compromis les chances» d’«Okja» de figurer dans le Palmarès, tout en reconnaissant que le président du jury avait le droit de «dire ce qu’il veut». Dans des propos reproduits vendredi par le site internet américain Indiewire, Almodovar a toutefois fait une mise au point : «Ni moi ni un membre du jury ne fera de distinctions entre deux films Netflix et les (17) autres en compétition. Nous sommes ici pour avoir un jugement artistique, je tiens à ce que ce soit clair».