La nostalgie de Godard à l’heure de la télé

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Le 24 mai 1986, TF1 diffusait un téléfilm de Jean-Luc Godard, qui sortira en salles le 4 octobre, dans lequel le réalisateur mythique exprime sa nostalgie pour une époque révolue du cinéma, à l’heure de la télévision. Entre 1984 et 1991, la chaîne de tv privée a diffusé le samedi en Prime Time des téléfilms rendant hommage à la collection de romans policiers «Série noire». Jean-Luc Godard choisit d’adapter «Chantons en coeur» de James Hadley Chase, mais il s’affranchit très vite de l’intrigue du livre pour décrire dans «Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma» la production d’un film à la dérive. Le réalisateur est alors dans sa 2ème période faste au cinéma, depuis la sortie de «Sauve qui peut (la vie)» en 1980, après un détour par la vidéo et les essais politiques et sociaux. Jean-Luc Godard a fait appel à Jean-Pierre Léaud, acteur fétiche de la Nouvelle vague («Les 400 coups», «Baisers volés»), pour incarner le réalisateur Gaspard Bazin. Seule concession faite au roman noir, l’histoire se conclut par la découverte de 2 cadavres. Le film de 1h30, tourné en vidéo, se concentre sur le recrutement des figurants pour un nouveau film de Gaspard Bazin, et les difficultés financières de la société de production Albatros Films. Des intermittents du spectacle défilent dans les locaux de la société de production, où se déroule la quasi-totalité des scènes. Jean-Luc Godard se moque de la télévision en simulant un incident technique pendant le film ou en insérant des images d’une mire de barres. Le réalisateur franco-suisse fait une courte apparition, l’occasion de citer les noms de personnalités du cinéma décédés. Le téléfilm «est un chant des morts. Ce qui se passe n’a plus rien à voir avec le cinéma que Godard a fait et a aimé», explique Alain Bergala, spécialiste de Godard. Jean-Luc Godard, aujourd’hui âgé de 86 ans, parle lui-même de «grandeur et décadence du cinéma à l’époque de la télé». «Le cinéma projette quelque chose, c’est pour ça qu’il est encore puissant dans le coeur des gens (…) La télévision diffuse, elle transmet. Elle a beaucoup de mal à créer», critiquait-il en 1986.