Les nouveaux services numériques, l’alternative du «cloud» personnel à Apple et Google

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Bénéficier de services numériques encore plus personnalisés sans avoir à se mettre à nu devant Google ou Apple: c’est l’enjeu du «cloud» personnel testé actuellement auprès de 2.000 personnes en France. Les données personnelles sont devenues «une nouvelle matière première» pour les géants de l’internet, qui en tirent leur insolente prospérité, rappelle Karine Dognin-Sauze, vice-présidente de la Métropole de Lyon qui accueillait vendredi les partenaires du projet MesInfos. «Si mes fournisseurs de services ne savent rien de moi, ils ne me sont pas utiles. Apple et Google nous simplifient la vie car ils se sont glissés dans notre intimité», fait valoir Benjamin André, cofondateur de la startup Cozy Cloud, prestataire technique de l’expérimentation. Mais est-on prêt à fournir des détails toujours plus intimes sur sa vie privée pour bénéficier de services bien adaptés à ses besoins? Il existe aujourd’hui «un déficit de confiance» envers ces grands intermédiaires qui rend nécessaire la création de «tiers de confiance» chargés de gérer ce «patrimoine informationnel», souligne Jean-François Marchandise, délégué général du groupe de réflexion Fing, à l’origine de cette initiative. Apple et Google n’ont pas (encore ?) accès à nombre de données stockées dans d’autres «silos» numériques, qui leur seraient pourtant bien utiles, comme les données bancaires ou médicales. D’où l’intérêt d’un «cloud» personnel: une «boîte noire», accessible par un mot de passe comme tout site internet, où l’on peut rapatrier une copie de l’ensemble de ses informations personnelles. A partir de l’an prochain, une loi européenne obligera tout acteur numérique à transmettre sur demande l’ensemble des informations en sa possession concernant tout personne, que se soit l’historique de ses déplacements (géolocalisés via son smartphone), le recensement de ses centres d’intérêts (via les moteurs de recherche) ou ses affinités (via les réseaux sociaux). Fonctionnant sous logiciel libre, la plateforme de Cozy Cloud permet à des tiers de développer des «connecteurs», qui relient le «cloud» personnel au fournisseur de services, ainsi que des applications permettant de croiser ces informations. Applications qui, pour l’essentiel, restent à inventer… Première avantage du système: un seul site rassemblant l’ensemble des documents personnels, que ce soient factures, photos ou messages. Surtout, le croisement de ces données se fait à l’intérieur de cette «boîte noire», en toute discrétion, sans que les fournisseurs de services concernés en soient informés. Le propriétaire d’une voiture autonome ou d’une maison connectée pourra ainsi se voir proposer des tarifs d’assurance correspondant à ses usages. Mais l’assureur ne sera au courant que si la personne accepte cette offre concoctée par une application logée dans son «cloud» personnel. «Fondamentalement, c’est vous qui décidez de ce qui sera fait de ces informations», relève Romain Liberge, de l’assureur MAIF, un des principaux soutiens financiers de l’expérimentation. L’autorité administrative chargée de protéger les intérêts du citoyen face à l’informatique, la CNIL, «est très présente depuis le début du projet pour le faire avancer», assure M. Marchandise. La plateforme de Cozy Cloud devrait être ouverte au grand public début 2018. Actuellement, on y trouve 28 «connecteurs» permettant de récupérer les informations d’opérateurs téléphoniques, de collectivités, de gestionnaires d’objets connectés, de fournisseurs d’énergie… et une centaine d’autres reliés aux banques. Mais cet écosystème devrait se développer rapidement, espère M. André: «un connecteur ne nécessite que quelques centaines de lignes de codes. Une soirée de boulot!». La métropole de Lyon compte parmi les promoteurs de MesInfos car elle souhaite pouvoir restituer aux utilisateurs l’historique de leur consommation d’eau. Parmi les autres grands sponsors figurent notamment Enedis, Engie, GRDF, EDF, la Poste, Orange et la MGEN.