Ou en est le marché du smartphone? 

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La fête est finie : après des années de croissance à deux chiffres, le marché des smartphones est saturé et les ventes calent, contraignant les industriels à modifier leur stratégie pour espérer un rebond qui devrait en tout état de cause rester limité.

Toutes les études font le même constat : même s’il s’en écoule encore quasiment 1,5 milliard par an, les ventes de smartphones ralentissent et ont même baissé en 2017. Selon International Data Corporation (IDC), elles pourraient encore un peu décliner cette année, à 1,462 milliard d’unités. «Le marché a atteint un pic», lance l’analyste Bob O’Donnell du cabinet TECHnalysis, qui estime que le point de saturation a été atteint en 2016. «Dans un futur assez proche, la maturité et la stabilité (du marché) des smartphones vont les faire apparaître comme de la «vieille» technologie», dit-il. «C’est un phénomène que nous avons déjà vu» avec les tablettes ou les PC, ajoute M. O’Donnell. Pour lui, les industriels vont devoir «penser différemment».

Trou d’air chinois : En cause: le retournement du marché chinois –qui représente quasiment le tiers des volumes mondiaux– et le rythme de remplacement des smartphones qui ralentit. Dans beaucoup de régions, «à peu près tous les gens qui veulent un smartphone en ont déjà un», explique Bob O’Donnell, notant que les gens gardent désormais souvent leur appareil trois ans contre deux auparavant. Linda Sui (Strategy Analytics) souligne aussi «le manque d’innovation en termes de conception» de la part des fabricants, qui peinent à apporter des nouveautés époustouflantes plus de dix ans après la naissance de l’iPhone. Apple, qui a du mal à garder son image d’innovateur-en-chef, sera d’ailleurs une nouvelle fois attendu au tournant la semaine prochaine lors de sa conférence des développeurs, où il doit annoncer de nouvelles fonctionnalités. Quant à la Chine, «il y a une impression de fatigue», notent les analystes de Canalys, qui ont relevé une dégringolade de plus de 21% des ventes au premier trimestre à 91 millions d’unités, soit son niveau de fin 2013. Mais le trou d’air chinois ne devrait être que provisoire, permettant au marché mondial de renouer avec la croissance même si elle devrait rester modérée –autour de 3% par an– dans les années qui viennent. Pour Mo Jia (Canalys), la Chine «devrait connaître une courte période de stagnation tandis que les industriels se recentrent sur la recherche et développement» plutôt que sur le marketing pour relancer les ventes. IDC prévoit une nouvelle baisse cette année puis une stabilisation du marché chinois en 2019. D’où le besoin, notent les analystes, pour les gros fabricants chinois (Huawei –numéro trois mondial derrière Samsung et Apple–, Oppo, Vivo ou Xiaomi) de viser d’autres pays ou de miser sur une plus large gamme d’appareils, du haut de gamme au low cost. «Maintenant que 2017 est derrière nous, beaucoup de nouvelles dynamiques intéressantes sont en train de se révéler sur le marché» mondial, pense Ryan Reith, d’IDC, qui cite l’Inde en particulier.

Prix : Avec des consommateurs attirés par des smartphones chinois bon marché et davantage de production locale, le marché indien pourrait bondir de 14% cette année, selon IDC.Autre facteur, l’arrivée de la 5G, l’internet mobile ultrarapide. IDC attend les premiers modèles compatibles dans la deuxième moitié de 2019 avant une accélération en 2020. Cela pourrait relancer l’attrait pour les smartphones ultra haut de gamme et/ou à grand écran, sur le modèle de l’iPhone X d’Apple ou du dernier Galaxy Note de Samsung, vendus aux alentours de 1.000 dollars et signes marquants de 2017. Certains fabricants arrivent d’ailleurs à compenser l’atonie des volumes en faisant monter le prix moyen des smartphones (+10% à 345 dollars cette année selon IDC), une stratégie qui pour le moment convient à Apple, qui parvient à faire progresser ses recettes plus vite que ses ventes.