P. SIRACUSA (France Télévisions) : «Les enfants sont de plus en plus jeunes à consommer du dessin animé»

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Pierre SIRACUSA, Directeur délégué à l’animation de France Télévisions

Premier partenaire et premier investisseur de l’animation européenne, le groupe France Télévisions soutient la production de plus d’une quinzaine de séries d’animation françaises par an et diffuse sur ses antennes plus de 5.500 heures de programmes jeunesse tout au long de l’année. Les enjeux et les projets sur 2017 nous sont présentés par Pierre SIRACUSA, Directeur délégué à l’animation de France Télévisions.

MEDIA +

Quelle est la principale tendance que vous constatez dans le secteur de l’animation ?

PIERRE SIRACUSA

Les enfants sont de plus en plus jeunes à consommer du dessin animé. En réalité, ils ne commencent pas plus tôt, mais ils arrêtent prématurément. Ce phénomène, que l’on constatait historiquement à l’entrée au collège, soit autour de 10 ans au début des années 2000, touche désormais les enfants d’environ 8 ans. Ce changement s’explique par l’explosion de l’offre linéaire, celle des nouveaux écrans, l’émergence des jeux vidéo et enfin la forte proposition de contenus sur YouTube.

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Comment réagissez-vous face à cela?

PIERRE SIRACUSA

Nous prenons en compte de plus en plus les cœurs de cible. Il y a toujours une grande séparation entre le «preschool» (3-6 ans) et les «kids» (6-10 ans). Nous voyons aussi apparaître une notion de «Upper Preschool» ou de «Bridge» qui est une sorte de phase transitoire entre la maternelle et le primaire. Pour répondre à cette tendance, nous avons lancé en 2016 «Boule et Bill» le matin sur France 3. Parmi les autres programmes qui, potentiellement, peuvent faire le plein sur les CP et les CE1, tout en intéressant les petits, c’est «Yakari» dont la 4ème saison a été lancée. Cette propriété française est un succès historique, toutes catégories confondues pour la jeunesse, en Allemagne.

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Le dessin animé hybride serait-il la solution pour réintéresser les plus de 8 ans ?

PIERRE SIRACUSA

C’est une des pistes explorées. Cet automne, nous avons lancé «7 nains et moi», la première série hybride (mélange de prises de vues réelles et animation), qui s’est bien installée dans les grilles de week-end de France 3 avec près de 14% de pda sur les 4-10 ans. Cela nous amène à reconsidérer cette question de l’érosion du public de plus de 8 ans. Si nous pouvons mélanger rapport au réel, incarnation avec l’imaginaire du dessin animé, peut-être réussirons-nous à réunir de nouveau ces pré-ados.

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Quelles sont vos dernières satisfactions en animation ?

PIERRE SIRACUSA

Le nouveau «Titeuf» sur France 3, lancé l’année dernière. La justesse et la singularité du propos du personnage nous a réjouis. Sur la grille de Zouzou sur France 5, le nouveau «Oui-Oui» a dépoussiéré la vieille 3D et assure une promesse de divertissement tout en intégrant une dimension didactique et pédagogique sur le digital. Les ayants droit américains n’hésitent plus à confier à des producteurs et à des auteurs français le développement de leur série. C’est ce qui s’est passé avec «Oui-Oui» détenu par Dreamworks et fabriqué par Gaumont Animation.

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Quelles sont les attentes de votre public ?

PIERRE SIRACUSA

Nous avons à cœur de répondre aux envies des enfants quand ils regardent la télévision. Tout l’enjeu de notre line-up est de trouver le bon dosage entre la reconnaissance de personnages que l’on a envie de retrouver, et notre capacité à intégrer de nouveaux héros. Sachant que France Télévisions finance plus de 50% de l’animation française et reste le premier investisseur européen avec près de 29 M€ budgété, nous voyons passer la grande majorité des projets. Notre comité sélectionne ceux qui nous semblent les plus intéressants. Après cela, nous les confrontons à l’exigence de la programmation et des différentes antennes.

MEDIA +

Quelle est l’implication financière de France TV sur les projets ?

PIERRE SIRACUSA

France Télévisions investit en moyenne à hauteur de 30% du budget dans une série d’animation. Cet apport ouvre la voie aux financements institutionnels, aides régionales, crédits d’impôts qui représentent entre 50 et 70% du budget global. Dans tous les cas, nous sommes minoritaires et le producteur va devoir compléter son financement par des apports à l’étranger.

MEDIA +

Que vous inspire la fin de la publicité autour des programmes jeunesse ?

PIERRE SIRACUSA

Je regrette que l’on n’ait pas été consulté. On peut raisonnablement se dire qu’il est important que les enfants ne soient pas excessivement exposés à la publicité. En revanche, nous ne pouvons pas nier que cela puisse avoir des conséquences sur le financement des œuvres.

MEDIA +

Un mot sur les spécificités de votre line-up ?

PIERRE SIRACUSA

Nous sommes les seuls à aborder la thématique de la poésie avec «En sortant de l’école», une passerelle pour les jeunes talents. En mars prochain, nous proposerons la saison 4 consacrée à Paul Éluard sur France 3. A l’occasion de la semaine du handicap, nous avons lancé un programme court, «Will», qui a pour héros un personnage en fauteuil roulant. Nous avons aussi lancé «Yetili», un format court avec de la marionnette pour inciter à lire. En 2017, nous lançons «Atomic Puppet» (Gaumont Animation), «Bienvenue chez les Ronks» de Xilam. Nous avons aussi une ligne plus résolument familiale avec deux séries : «L’homme le plus petit du monde» (Les films de l’Arlequin) et «La science des soucis» (Vivement Lundi !).