Preuves électroniques : l’UE approuve une nouvelle législation, malgré l’opposition de plusieurs pays inquiets pour le respect des droits fondamentaux

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Les ministres de la Justice de l’UE ont approuvé vendredi une nouvelle législation qui facilitera l’accès aux données électroniques dans des enquêtes criminelles ou terroristes, malgré l’opposition de plusieurs pays inquiets pour le respect des droits fondamentaux.
Ce texte, qui doit désormais être négocié avec le Parlement européen, vise à accélérer les enquêtes transfrontalières en donnant un accès plus direct à des données de connexion ou de contenus (adresses IP, courriels, vidéos), souvent difficiles à obtenir auprès de prestataires de services en ligne basés à l’étranger.
«Les criminels utilisent une technologie de communication rapide et de pointe qui ne s’arrête pas aux frontières, ces nouvelles règles remplaceront les lourdes procédures actuelles par des outils rapides et efficaces», s’est réjoui le ministre autrichien de la Justice Josef Moser, qui présidait une réunion à Bruxelles. Si cette législation est adoptée, un juge pourra directement réclamer une «preuve électronique» à un prestataire dont le siège ou le représentant en Europe se trouve dans un autre pays européen, sans passer par les autorités judiciaires de ce pays. Ces prestataires auraient alors l’obligation de se plier à cette demande, où que soient stockées les données en question, y compris sur des serveurs situés hors d’Europe. Ils devront le faire dans les 10 jours, et même dans les six heures en cas d’urgence, alors que la législation actuelle prévoit un délai de 120 jours, voire de dix mois dans le cadre d’une procédure d’entraide judiciaire, des chiffres récemment publiés par la Commission européenne. Il est souvent reproché aux acteurs d’internet, comme Facebook récemment, de ne pas protéger suffisamment les données de leurs utilisateurs. Mais quand il s’agit d’enquêtes, les autorités se plaignent au contraire d’avoir le plus grand mal à accéder à des «preuves électroniques» auprès des plateformes.
«C’est une révolution dans le système de coopération judiciaire de l’UE», avait plaidé la commissaire européenne à la Justice, Vera Jourova, quand elle avait mis cette réforme sur la table. Plusieurs pays, dont l’Allemagne, les Pays-Bas, la République tchèque et la Finlande, n’ont pas apporté leur soutien au texte, mais ils n’étaient pas assez nombreux pour empêcher son adoption vendredi à Bruxelles.
Dans une récente lettre commune, ces Etats avaient expliqué avoir de vives inquiétudes sur des propositions qu’ils jugent eux aussi «révolutionnaires». Ils rejettent le fait qu’il n’y ait aucune «marge de manoeuvre» pour les autorités d’un Etat membre pour remettre en cause une demande d’accès à des données faite par un autre pays et veulent «un système de freins et de contrepoids» pour garantir les libertés des citoyens et de la presse, ainsi que «les intérêts publics et nationaux».
Des fédérations d’entreprises du secteur numérique, comme BSA et la CCIA, ont également déploré le manque de garanties apportées par le texte et ont exhorté le Parlement européen à rétablir un «équilibre».