Protection des sources des journalistes : la loi définitivement adoptée au Parlement

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Le Parlement a définitivement adopté jeudi, par un ultime vote des députés, une proposition de loi PS visant à renforcer l’indépendance des médias, notamment la protection des sources des journalistes, mais qui ne fait pas l’unanimité. Ce texte «sur la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias» a été approuvé par toute la gauche, l’UDI s’abstenant. Les Républicains ont voté contre, comme l’avait fait la majorité de droite au Sénat. Pour la ministre de la Culture, Audrey Azoulay, «cette loi vise à offrir aux journalistes les gardes-fous nécessaires à l’exercice de leur profession en toute indépendance». «Des avancées importantes sont actées pour l’indépendance des rédactions», a salué Marie-George Buffet pour le Front de Gauche. Ce texte permet à l’exécutif de tenir in extremis un des engagements du candidat Hollande en 2012, le renforcement de la protection du secret des sources des journalistes.  Par rapport à la loi Dati de 2010, le texte élargit cette protection à toute la rédaction, direction et collaborateurs (pigistes) compris. Autre avancée, les journalistes ne pourront plus être poursuivis pour recel «de documents provenant du délit de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction ou du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée» lorsque la diffusion de informations «constitue un but légitime dans une démocratie». Enfin, il ne pourra être porté atteinte au secret des sources que sur décision d’un juge des libertés. Alors que, dans la loi Dati, les atteintes pouvaient être justifiées au nom d’un «impératif prépondérant d’intérêt public», les députés ont remplacé cette notion par une liste précise d’infractions du code pénal, à savoir les délits prévus par les titres I et II du Livre IV du code pénal (atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation et terrorisme) punis de 7 ans de prison. Cette liste fait l’objet d’interprétations divergentes. Au ministère de la Culture, on la défend en rappelant que le flou «du motif prépondérant d’intérêt public» avait été invoqué par le parquet pour obtenir les fadettes des journalistes du Monde dans l’affaire Bettencourt, même si la Cour de cassation avait ensuite donné tort au procureur. Au contraire, le SNJ, 1er syndicat de journalistes, défend la jurisprudence et critique dans un communiqué une liste d’exceptions qui «fragilise la protection des sources au prétexte de la renforcer». La proposition de loi étend par ailleurs à l’ensemble des journalistes une notion jusqu’ici réservée à ceux de l’audiovisuel public, selon laquelle tout journaliste «ne peut être contraint à accepter un acte contraire à sa conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique de son entreprise». Cette charte devra être rédigée dans chaque entreprise de presse conjointement par la direction et les représentants des journalistes d’ici le 1er juillet 2017. «C’est une véritable révolution», s’est félicité le rapporteur Patrick Bloche (PS) alors que le SNJ déplore «qu’on éclate l’éthique professionnelle en autant de chartes que d’entreprises». Enfin, le texte renforce les missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour assurer «l’honnêteté, l’indépendance, le pluralisme de l’information et des programmes qui y concourent», en particulier «à l’égard des intérêts économiques des actionnaires» des chaînes et «de leurs annonceurs». M. Bloche avait reconnu que cette disposition avait été inspirée par les interventions de Vincent Bolloré à Canal+ pour déprogrammer la diffusion d’un documentaire sur le Crédit Mutuel ou ne pas enquêter sur certains sujets. Le CSA devra notamment veiller, a posteriori, à ce que les conventions conclues avec les chaînes mettent en oeuvre ces principes. Et le texte impose aux radios et tv la mise en place de comités d’éthique composés de personnalités indépendantes. «On donne des pouvoirs disproportionnés au CSA», a dénoncé la députée LR Virginie Duby-Muller.