Quand le smartphone surfe sur un marché de l’occasion en plein boom

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A 2 pas du Mont Saint-Michel, des milliers d’iPhones sont chaque jour démontés à la main pour être «reconditionnés à neuf» par 250 salariés d’une jeune PME qui surfe sur un marché de l’occasion en plein boom, en misant sur le haut de gamme. Lancé en 2014 à Poilley, RemadeinFrance, qui propose des téléphones de 15% à 40% moins chers que les neufs, vient d’annoncer le recrutement de 150 personnes supplémentaires d’ici à juillet, après en avoir embauché une centaine en 2016 selon la direction. Et la progression de ces effectifs ne va pas cesser, laisse entendre la PME. D’autant que d’après le cabinet d’études Deloitte, ce marché de l’occasion, né a la fin des années 2000, s’est véritablement enflammé depuis 2012. «Ces emplois, c’est l’aboutissement de notre R&D (Recherche et développement, NDLR). On a dû massacrer 50.000 téléphones pour apprendre ça, mais aujourd’hui on est capable de recycler toutes les pièces de téléphone, même la batterie. Avant, on devait aller chercher des pièces ailleurs et les tester avant de les réutiliser», explique Matthieu Millet, le président de la société dont il est le principal actionnaire. Les produits Remade sont garantis un an, contre 6 mois le plus souvent ailleurs. Neuf, le smartphone, qui selon le cabinet d’études Deloitte a la durée de vie la plus courte des appareils connectés, est garanti 2 ans. L’entreprise se présente comme le numéro un français du téléphone reconditionné à neuf avec un c.a. de 100 millions d’euros en 2016, dans ce secteur, en hausse d’environ 25% par rapport à 2015. Elle pense remettre à neuf 750.000 téléphones en 2017, contre 500.000 en 2016, notamment en se diversifiant pour la 1ère fois dans d’autres marques qu’Apple. Son concurrent Recommerce affiche le même nombre de téléphones «reconditionnés» (soit remis en état de fonctionnement) vendus en 2016 pour un c.a. de 34 M EUR, selon l’entreprise qui emploie 65 personnes en France. Les remises en état des téléphones vendus 20 à 50% du prix du neuf, sont sous-traitées à l’étranger, en Europe, selon Recommerce. Comme d’autres, ces PME surfent sur la vague des téléphones reconditionnés, marché qui affiche une «croissance soutenue» en 2016 en France, alors que les ventes de smartphones neufs sont pour la 1ère fois en baisse en volume, selon GfK. Selon cet institut, 2 millions de téléphones reconditionnés à neuf ont été vendus en 2016 en France, soit 10% des 20 millions de smartphones acquis dans l’Hexagone. Pour 2015, GfK évalue à 1,2 à 1,3 million le nombre de smartphones reconditionnés commercialisés en France. A Poilley, ce succès prend un tour très concret. L’usine de 7.500 m2 est elle-même en pleine reconfiguration pour s’agrandir de 3.000 m2 supplémentaires dans le courant de l’année. Des centaines de milliers de téléphones usagés arrivent chaque année à Poilley, majoritairement de l’étranger (RU, EU et Japon via les EU). Reconditionnés, ils sont revendus essentiellement en France (90 à 95%), mais aussi en Espagne, au Portugal, en Suède et aux Pays-Bas. La PME mise sur la vente en grande surface alimentaire et spécialisée, où la concurrence est, selon elle, plus loyale que sur Internet. Elle assure y réaliser 80% de ses ventes. Avec cette usine à Poilley, «nous sommes les seuls à avoir la traçabilité nécessaire pour répondre au cahier des charges de la grande distribution», affirme Matthieu Millet. La société normande y a créé sa «Remade Academy» où, durant 2 mois et demi, elle forme des salariés venus de secteurs très divers.Armés des même pinces précelles que les dentistes, une ex-couturière, une ancienne hydrothérapeute ou un ex-étudiant en économie démontent, réparent, lustrent et remontent pièce par pièce les iPhones en panne. Le plus difficile, c’est «de ne pas trembler», explique Mickaëla Tesnière, l’une de ces stagiaires. Les ouvriers sont payés au Smic et vont recevoir 3 mois d’intéressement pour l’année 2016 comme pour 2015, selon la direction.