Le studio Weinstein annonce sa mise en faillite

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Après d’infructueuses négociations de reprise, la Weinstein Company, le studio fondé par Harvey Weinstein et son frère Robert, a annoncé qu’elle allait se déclarer en faillite, criblée de dettes et attaquée en justice pour avoir couvert les abus sexuels du producteur déchu. «Tout en reconnaissant que cette solution est extrêmement dommageable pour nos employés, nos créanciers et toutes les victimes éventuelles, le conseil d’administration n’a pas d’autre choix que d’adopter la seule option viable pour maximiser la valeur restante de la compagnie: un processus de mise en faillite ordonné», a écrit le conseil d’administration dans une lettre aux investisseurs emmenés par Maria Contreras-Sweet et Ron Burkle, avec lesquels ils négociaient la reprise du studio depuis plusieurs semaines. Dans cette lettre, le studio TWC accuse notamment Mme Contreras-Sweet, ex-responsable des PME pour l’administration Obama, et le milliardaire Ron Burkle, de ne pas avoir apporté «les fonds provisoires nécessaires» à la rémunération des employés. Il les accuse aussi de ne pas avoir, dans leur dernière proposition, répondu aux conditions posées par le procureur de l’Etat de New York. Ce dernier avait bloqué la vente il y a 2 semaines, dénonçant un projet de reprise qui prévoyait alors de placer à la tête de la nouvelle société des dirigeants ayant couvert le comportement de prédateur sexuel de Harvey Weinstein, à commencer par David Glasser, directeur des opérations du studio, licencié depuis. Le procureur avait aussi assigné le studio en justice pour ne pas avoir protégé ses employés des agissements d’Harvey Weinstein, lui reprochant de n’avoir jamais mené d’enquête malgré «le dépôt de dizaines de plaintes formelles et beaucoup d’autres informelles». Selon le site spécialisé «Variety», ils auraient appris la décision de la TWC par les médias, alimentant les doutes sur le climat des négociations. Sauf nouveau rebondissement, le dépôt de bilan semble donc imminent pour la Weinstein Company, dans la tourmente depuis la publication des 1ères accusations contre Harvey Weinstein le 5 octobre. La plupart des projets qu’elle avait dans ses cartons sont suspendus. Les dates de sortie de plusieurs films achevés, comme «The Upside», un remake du film français «Les Intouchables», ou «The War with GrandPa», une comédie avec Robert de Niro, ont été repoussées sine die. Les droits sur plusieurs projets en gestation ont été vendus, notamment ceux d’un projet de Quentin Tarantino sur les célèbres meurtres commis par les disciples de Charles Manson en 1969 cédés à Sony. Fondé en 2005 après que les frères Weinstein eurent revendu leur studio Miramax à Disney, la TWC, qui a produit notamment «Le discours d’un Roi», «The Artist» ou «Django Unchained», avait dès le 8 octobre écarté Harvey Weinstein de son conseil d’administration. Mais très vite, les accusations se sont multipliées. Plus d’une centaine de femmes, dont des célébrités comme Ashley Judd, Gwyneth Paltrow ou Salma Hayek, ont à ce jour accusé le producteur de les avoir sexuellement harcelées, agressées ou violées. Plusieurs d’entre elles ont saisi la justice, attaquant Harvey Weinstein et la TWC. Deux assignations ont été déposées en nom collectif, qui pourraient se traduire par des millions de dollars à payer en dommages et intérêts. La TWC est aussi attaquée par certains employés, comme la secrétaire personnelle de Weinstein qui affirme avoir été forcée à faciliter ses abus. L’offre de Contreras-Sweet et Burkle, d’un montant global de 500 millions de dollars, devait inclure plusieurs millions de dollars pour les victimes ainsi que 225 millions de dollars rien qu’en reprise de dettes. Si la faillite se confirme, elle devrait avoir pour effet d’«arrêter les plaintes», soulignait lundi le magazine «Forbes». Les plaignants, qui ont souvent attaqué simultanément la société et Harvey Weinstein, n’auraient plus qu’à qu’espérer que le producteur déchu puisse les dédommager sur sa fortune personnelle.