Villani dévoile ses pistes pour placer la France parmi les champions de l’intelligence artificielle

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Comment la France peut-elle devenir incontournable dans l’intelligence artificielle et garder ses cerveaux courtisés à l’étranger? Le député mathématicien Cédric Villani (LREM) dévoilait des pistes mercredi pour tenter de réaliser de telles ambitions. Le rapport a été rendu public mercredi soir, peu avant un dîner à l’Elysée rassemblant autour du président de la République quelques-uns des chercheurs internationaux les plus réputés en intelligence artificielle. Emmanuel Macron fixera jeudi les grandes orientations de l’exécutif, pour placer la France parmi les champions de ces technologies où elle dispose d’un savoir théorique indéniable avec des cerveaux recherchés à l’étranger, mais qui ne se traduit pas encore par l’émergence de grandes entreprises leaders. «Les pays les plus en avance sur le déploiement de l’intelligence artificielle, ce sont les Etats-Unis, la Chine, l’Angleterre, le Canada et Israël, et nous n’y sommes pas», a expliqué mercredi matin sur France Inter Cédric Villani. «Il y a un différentiel» entre la capacité de recherche et de formation d’experts de la France, «qui est excellente», et «notre faculté à voir dans les grandes entreprises un développement de l’intelligence artificielle (…) au même niveau économique que nos concurrents», a-t-il dit. Le rapport préparé par le député met donc particulièrement l’accent sur les efforts à faire pour garder en France les cerveaux. Il s’agit certes de leur offrir des conditions salariales satisfaisantes mais aussi et surtout un environnement de travail favorable, a expliqué M.Villani. Quand on interroge les chercheurs français sur leurs motivations lorsqu’ils sont partis chez les grands acteurs du secteur technologique comme Google ou Facebook, «ils parlent avant tout de facilités de travail: moins de pression administrative, plus de facilités d’achat de matériel, plus de facilités de calcul», a expliqué M. Villani. «Ce qui leur pèse le plus» dans les structures françaises, «c’est toute la question administrative», les «appels d’offres» qu’il faut réaliser, les «justifications» qu’il faut apporter, «le fait que ce soit tellement lent d’avoir des réponses quand il faut se lancer», a-t-il expliqué. Le rapport de M. Villani identifie quatre domaines économiques particuliers où la France doit particulièrement concentrer son effort de développement de l’intelligence artificielle: la santé, les transports, l’environnement et la défense. «On ne dit pas qu’il faut abandonner les autres» secteurs, mais il faut pour eux une logique «plus expérimentale», a-t-il expliqué. «On ne sait pas quelles techniques d’intelligence artificielle marchent dans l’éducation», a-t-il relevé par exemple. Le rapport s’intéresse également aux questions d’éthique, tant ces technologies qui donnent aux machines de gigantesques pouvoirs d’analyse dépassant de loin ceux des humains peuvent avoir des aspects inquiétants. «Il faut une instance pour émettre des avis, donner des jugements en toute indépendance, qui puisse être saisie par le gouvernement comme par les citoyens, et qui nous dise voilà «qui est acceptable ou non acceptable»», a dit Cédric Villani. «Il y a eu un réveil douloureux outre-Atlantique sur les mauvaises pratiques que pouvait apporter l’intelligence artificielle si elle est utilisée de façon négligente ou à des fins inacceptables», a-t-il noté, en allusion à l’utilisation par la société Cambridge Analytica de données Facebook pour tenter d’influencer la campagne présidentielle américaine. La remise du rapport Villani s’accompagne de la remise d’un autre rapport préparé par France Stratégie, l’organe de conseil stratégique du gouvernement, qui cherche à évaluer les conséquences sur le marché du travail de l’introduction de ces technologies qui permettront d’automatiser à grande échelle des tâches aujourd’hui effectuées par des humains. Le rapport doit notamment s’intéresser aux conséquences prévisibles pour l’emploi dans de grands domaines d’activité comme la banque assurance, la santé ou les services à la personne.