7ème art et plateformes en ligne «commencent à savoir cohabiter», selon Thierry Frémaux

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Internet aura-t-il la peau du cinéma ? Convaincu du contraire, le patron du Festival de Cannes Thierry Frémaux juge même qu’en pleine crise, 7e art et plateformes en ligne «commencent à savoir cohabiter». «Au fond, le cinéma, c’est le grand aîné. Les plateformes c’est de la télévision», résume M. Frémaux à l’occasion du festival Lumière à Lyon, qu’il pilote également. «Cinéma et télévision cohabitent depuis des décennies, cinéma et plateformes commencent à savoir cohabiter ensemble», ajoute-t-il. La crise sanitaire a pourtant donné un formidable coup d’accélérateur aux plateformes type Netflix, qui investissent lourdement dans la production, et mis à genoux les salles à travers le monde. Mais pour M. Frémaux, tant qu’il y aura des films, le public se déplacera au cinéma, inventé il y a 125 ans. Pour preuve, le public est au rendez-vous à Lyon pour le Festival Lumière, consacré au cinéma de patrimoine, et pour lequel sont venues des vedettes comme le réalisateur américain Oliver Stone ou l’acteur Mads Mikkelsen. «Le grand défi, c’est qu’il va falloir qu’il y ait plein de beaux films dans les deux-trois ans à venir, pour que le cinéma soit ce qu’il a toujours été, une expression publique» dans des salles obscures, a poursuivi M. Frémaux. Interrogé sur les reports de plusieurs mois annoncés par des grands studios américains de leurs blockbusters, de «Dune» au nouveau James Bond, quand leur sortie en salle n’est pas annulée pour être diffusés directement en ligne, le délégué général du Festival de Cannes dit «comprendre» les contraintes financières des majors. D’autant que si les salles sont ouvertes en France, la plupart sont fermées aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. «C’est malheureux pour tout le monde que James Bond soit repoussé, que «Soul» (le prochain film d’animation Disney/Pixar, qui ne sortira finalement pas en salle) aille directement sur une plateforme… Mais en 2020, tout le monde peut comprendre que plein de sociétés aient besoin aussi de faire de la trésorerie». «Disney, toute plus grande compagnie mondiale de divertissement qu’elle est (…) est en grave danger et prépare la suite, l’année prochaine, avec des films» qui doivent sortir en salle, a-t-il souligné. Le délégué général du festival de Cannes, qui avait retenu «Soul» dans sa sélection officielle 2020, espère toutefois encore parvenir à convaincre l’entreprise de faire une exception pour la France, où «des millions de gens» pourraient aller le voir en salle s’il y sortait. «Évidemment, il manque dans la fréquentation des salles la part du cinéma américain, et c’est malheureux. Mais on vit une catastrophe mondiale», relativise-t-il. La France, qui a injecté des dizaines de millions d’euros pour soutenir salles et professionnels, «préserve une partie de sa vitalité et se prépare à la suite». «Je ne crois pas du tout à la fragilité du cinéma : Jacques Audiard, l’un des plus grands réalisateurs français (présent au Festival Lumière qui honore le travail de son père, le dialoguiste Michel Audiard) est en plein tournage, Julia Ducourneau est en train de tourner son deuxième film… Ça tourne un peu partout !», se réjouit-il. Quant à Cannes, le plus prestigieux des grands festivals internationaux, M.Frémaux est impatient d’oublier la cauchemardesque année 2020, où le confinement a eu raison du tapis rouge et des projections sur la Croisette. «On attend de Cannes 2021 que ce soit une belle fête, avec plein de bons films», se réjouit-il déjà, espérant «qu’on voie apparaître un vaccin» contre le coronavirus rapidement. «J’ai l’espoir que Cannes 2021 soit l’évènement de la reconquête, du début du retour à la vie. C’est ce qui nous est demandé, tous les jours, du monde entier, dans le monde du cinéma mais pas seulement».