Guinée : les défenseurs des libertés sur internet s’apprêtent à devoir batailler pendant la présidentielle

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A la veille d’une élection présidentielle en Guinée dont les résultats s’annoncent disputés, les défenseurs des libertés sur internet s’apprêtent à se mobiliser en cas de nouveau blocage des réseaux par les autorités.

Le président sortant Alpha Condé brigue un troisième mandat controversé dont ses adversaires, à commencer par son principal concurrent Cellou Dalein Diallo, comptent bien le priver. En mars, lors du referendum pour l’adoption d’une nouvelle Constitution invoquée par M. Condé pour se représenter après ses deux mandats constitutionnels, les réseaux sociaux avaient connu une perturbation aussi soudaine que suspecte.

Les internautes et autres cybermilitants avaient été pris au dépourvu, reconnaît Alpha Diallo, président de l’Association des blogueurs de Guinée (Ablogui). «Pour ceux qui n’étaient pas informés, c’était totalement impossible de se connecter», indique-t-il, estimant qu’il y de «fortes chances» de nouvelles perturbations à l’occasion du scrutin. «Le fait d’avoir une quelconque perturbation équivaut à nous empêcher, nous acteurs de la société civile et les autres observateurs, de travailler», a souligné M. Diallo. «Nous allons prendre des dispositions et nous allons documenter toutes les tentatives d’entrave, les blocages, même la lenteur de la connexion internet», a prévenu le président de l’Ablogui. Le blocage d’internet et des réseaux sociaux est fréquent en Afrique en période de fortes tensions politiques. Amnesty International en a ainsi recensé en 2019 au Bénin, au Mali, au Tchad, en République démocratique du Congo, au Gabon et au Zimbabwe. Mais pour la Guinée, il s’agit d’une relative nouveauté, selon les experts. La campagne pour le referendum «en mars a marqué un tournant», souligne Alp Toker, fondateur de Netblocks, qui surveille la censure et les atteintes aux libertés sur internet. Dans un rapport, Netblocks fait remonter la perturbation des réseaux Twitter, Facebook, Instagram et Whatsapp à la veille du referendum aux deux principaux fournisseurs d’accès du pays, le français Orange et le sud-africain MTN. «La coupure des réseaux sociaux est à 100% délibérée parce que vous pouvez voir que la connexion elle-même fonctionne parfaitement», explique Alp Toker, qui juge lui aussi probables de nouveaux brouillages de ce type à l’approche du vote dimanche. De premiers signes ont d’ailleurs commencé à apparaître.

Orange a ainsi annoncé récemment à ses clients guinéens que des perturbations pourraient se produire cette semaine en raison de travaux sur un câble sous-marin. Avant le referendum, l’opérateur de télécommunications Guilab avait également annoncé des réparations sur son câble internet sous-marin avant de les reporter face au tollé. «Ils ont dit qu’il n’y aurait plus de travaux et, finalement, sans rien dire à personne, ils ont bloqué les réseaux sociaux», rappelle M. Diallo. «Pourquoi est-ce que c’est seulement à l’approche des périodes sensibles comme celles-là qu’on a ce type de travaux?». Orange a affirmé n’interrompre l’accès à l’internet que «sur instruction officielle écrite d’une autorité compétente habilitée par la loi». «Nous ne pouvons faire aucun commentaire sur aucune situation particulière, ni en Guinée ni ailleurs», a ajouté l’entreprise.