La presse régionale à l’heure du coronavirus

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Un travail plus compliqué, une distribution  incertaine et des recettes pub en berne, mais des lecteurs avides d’information locale: à l’heure du coronavirus, la presse régionale réduit la voilure et mise sur le numérique, notamment pour organiser l’entraide. «Dès le début de la crise, on a bien perçu qu’il y avait un enjeu de lien social avec nos lecteurs. Pour le «Télégramme», il s’agit d’aider les gens à traverser cette crise et à la comprendre», estime son rédacteur en chef Samuel Petit.Comme la plupart des titres de presse quotidienne régionale (PQR), il a revu drastiquement à la baisse le nombre d’éditions locales et réduit la pagination. Entre les journalistes atteints par le virus, ceux contraints de s’arrêter (pour raisons familiales ou incités à prendre des congés), le télétravail généralisé, et la baisse de l’actualité hors coronavirus, les rédactions doivent revoir leur organisation «Toutes les informations locales ont disparu. L’actualité dans tous les départements ne tourne qu’autour du coronavirus et on risquait de tourner en boucle. Dans le même temps, la publicité a baissé de 100 à zéro», explique Jean-Pierre Dorian, rédacteur en chef de «Sud Ouest», passé de 16 à une seule édition. Une baisse des publicités qui explique que les «Dernières nouvelles d’Alsace» paraissent moins épaisses, car le volume éditorial est resté le même, assure son rédacteur en chef Dominique Jung. Dans cette région particulièrement frappée par le virus, plusieurs journalistes ont été contaminés. «Nos 2 réunions quotidiennes des chefs de service se font par Skype maintenant, même pour les gens qui sont au bureau», détaille-t-il. Son homologue du «Progrès» Xavier Antoyé a réduit «toute  l’information-service, qui a été ramenée à la portion congrue, et le sport. On a maintenu notre cahier loisirs du vendredi qu’on a rebaptisé «quand on ne peut pas sortir»». Faute de courses, les pages hippiques ont disparu de «Corse-Matin» qui garde toutefois ses pages sports en étant «moins sur de la compétition et plus sur de l’humain et les incertitudes sur les compétitions à venir», précise Roger Antech, rédacteur en chef. A «La Provence», «la page évasion a été supprimée, ça nous paraissait hors de propos en ce moment», indique le rédacteur en chef Albert Lugassy dont le journal accuse une baisse des ventes d’environ 4.000 exemplaires papier par jour. Certains titres ont dû recourir au chômage partiel, comme «Midi-Libre», le «Télégramme», «Ouest-France» ou «Le Parisien». «On a une baisse des ventes papier car des points de vente ont fermé et des gens sont partis, mais en revanche une hausse significative des abonnements papier et une hausse très forte des abonnements en ligne», nuance Guy Abonnenc du «Dauphiné Libéré». «Nous restons légitimes», estime Lionel Laparade de «La Dépêche», car il  reste «une forte demande d’informations de proximité et de clarté sur la déclinaison des mesures nationales», notamment «la question des marchés ou celle des couvre-feu» ou «la problématique agricole très présente» dans sa région.Partout, la hausse des abonnements est significative, notamment en  numérique: triplement de l’audience aux DNA, où la rédaction web a été  renforcée, près de 50% d’audience en plus chez Centre-France, doublement à «La Voix du Nord», quasi triplement au «Télégramme», «150 à 200 nouveaux abonnés web par jour contre 30 auparavant» à «Sud Ouest», une centaine de plus par jour à «La Dépêche», plusieurs centaines de plus par jour au «Progrès» …. Sur le web, les rédactions locales organisent l’entraide notamment via des groupes Facebook. «Ouest-France» – dont les contenus numériques ont été basculés en gratuit- a par exemple monté une opération d’échanges de services avec le site AlloVoisins. Quant aux journalistes de «France-Antilles», sauvé in extremis de la liquidation, ils travaillent bénévolement sur le coronavirus sur le net en attendant la reprise effective du journal.